Vernon Subutex #1
Cette fois, c’est la rue. Ça lui pendait au nez depuis un moment, à Vernon, mais c’est comme s’il avait refusé de voir. Car comment accepter que son petit monde de rock et de copains, puisse s’étioler, s’évaporer strate après strate, sans rien pouvoir y faire ? Jusqu’à ce qu’il ne reste plus rien ni personne ? Sa boutique de disques, là où il s’est forgé son caractère et ses plus fortes amitiés, a été contrainte de baisser le rideau. Et ses potes ont commencé à passer l’arme à gauche, jusqu’à Alex, le seul à être devenu une star planétaire, mais sans le bonheur qui aurait dû aller avec. Après avoir soldé ses dernières vinyles de collection, et sans les largesses financières d’Alex désormais trépassé, Vernon n’a plus rien sur lui, que ses grands yeux limpides, ses bagues de rocker et son iPod plein de bon son. Et des bandes vidéos mystérieuses, enregistrées par Alex un soir de défonce. Qui intéressent plein de gens – scénariste, producteur, ex-star du X, journaliste… – qui vont tenter de mettre la main sur Vernon, devenu clochard.
Adapter en bande dessinée la trilogie romanesque Vernon Subutex, déjà portée à l’écran sur Canal+, avait tout du pari à haut risque. Car il fallait trouver un environnement graphique suffisamment fort pour ne pas se laisser submerger par les mots de Virginie Despentes. Et donc un dessinateur prêt à mettre ses encres et ses tripes au service d’une fiction crue et brutale, qui éclaire d’une lumière clinique certains des maux d’une société urbaine occidentale piégée par son obsession pour la jouissance immédiate et l’humiliation d’autrui. Au vu de cet éblouissant premier volume (sur deux), Luz était évidemment l’artiste adéquat. Mieux encore : au fil de ces quelque 300 pages, il propose une mise en scène acérée et toujours inventive, jamais dans la plate illustration du roman, et peut-être la plus belle bande dessinée de sa carrière. On y retrouve le fan de musique, le caricaturiste, le reporter, le commentateur politique. Mais on y trouve surtout un auteur inspiré, qui laisse une large place au texte dans des compositions denses, sans oublier le rôle qui est le sien, à savoir incarner des personnages, bâtir un décor, apporter un regard supplémentaire et personnel.
Alors, c’est vrai, parfois, dans le maelström de cette histoire débordant de violence, de drogue, de sexe, de solitude et d’angoisses, le dessin tremble, les couleurs sont vite appliquées. Mais c’est pour mieux rebondir et se réinventer dans les pages suivantes et cueillir le lecteur, déjà hypnotisé par la prose rageuse de Despentes. Vernon Subutex en BD s’annonçait comme un incontournable de l’année BD. Il est déjà bien au-delà.
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