Vide Cocagne : pour une BD alternative grand public
Focus sur le petit éditeur nantais Vide Cocagne, qui navigue entre revues, fanzines et albums, et ne cesse d’essayer d’amener un nouveau public à la bande dessinée.
Nantes est un terreau fertile pour la BD : de nombreux auteurs y vivent, s’y rencontrent, créent des événements (les fameux combats de catch à moustache)… En 2003, les éditions Vide Cocagne sont apparues dans ce riche paysage et s’y sont implantées jusqu’à devenir incontournables. Née de la fusion des fanzines Soudain et Quartier, la structure regroupe de nombreux auteurs autour d’une vision commune dépassant la simple édition de livres. À regarder les productions Vide Cocagne, on constate que plusieurs axes se dégagent : l’amour de la petite production, un goût de l’expérimentation mais aussi un ancrage dans une certaine tradition et la volonté de pousser la BD hors de ses frontières.
Pour suivre cette ligne, à côté de ses albums, Vide Cocagne ne cesse d’expérimenter, la collection « Sous le manteau » étant le pivot essentiel de cette stratégie. Chaque mois, un album photocopié paraît, dans la plus pure tradition du fanzinat. Monté sur place, simple à faire, accueillant des auteurs débutants comme confirmés, c’est un espace de création libre dont la régularité impressionne. D’autant que les frontières sont poreuses entre cette édition parallèle et la structure diffusée.
En réalité, il n’y a pas vraiment de frontières. Ainsi l’album d’Half Bob Just Gimme Indie Rock, a connu une première vie en fascicules, tandis que Les Déserteurs héroïques, très intrigant livre de Guillaume Carreau, avait vu son premier chapitre publié dans la collection. Dans le même esprit, la revue Alimentation générale, dirigée par Terreur Graphique, mélange dans le même élan membres historiques du collectif, copains d’autres structures (principalement Psikopat et 6 pieds sous terre), auteurs américains dont le rédac’ chef est friand et jeunes auteurs pour qui la porte est toujours ouverte. Fréquemment, on peut voir un membre d’Alimentation générale publier un « Sous le manteau », et inversement. À une heure où les revues sont plus que raréfiées, ce double espace où les auteurs peuvent s’exprimer avec une certaine visibilité est plus que bienvenu.
Il faut par ailleurs saluer un autre pan du travail de Vide Cocagne : sa volonté d’aller au-delà du public-type. Militant d’une bande dessinée alternative grand public, Vide Cocagne organise chaque année le festival Fumetti, sous-titré « Rencontres de la BD curieuse ». Au-delà d’un simple étal d’auteurs en dédicace, ils tentent de faire dialoguer la bande dessinée avec le public. Par diverses actions comme les combats de dessins ou les concours de BD suédées (plusieurs sont visibles sur 8 pages comix), ils impliquent le visiteur et permettent une véritable rencontre avec les amateurs, ainsi qu’entre les auteurs.
Dernière expression de leur dynamisme : la revue Grand Steak. Publié sur papier journal, ce magazine accueillant de jeunes auteurs locaux a été distribué gratuitement à l’entrée du tram de la ville à la manière des Direct matin et autres 20 minutes. De cette manière, grâce à un partenariat noué avec la ville de Nantes – qui était le sujet principal de Grand Steak –, les éditions Vide Cocagne ont diffusé une certaine bande dessinée réputée inaccessible à des gens qui n’auraient sans doute jamais mis les pieds dans un festival ou une librairie. Exigence et universalité semblent être leur credo, on ne saurait que trop les encourager à poursuivre dans cette voie.
Maël Rannou
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