Image Image Image Image Image Image Image Image Image Image

BoDoï, explorateur de bandes dessinées – Infos BD, comics, mangas | November 21, 2024















Retour en haut de page

Haut de page

No Comments

Vingt-décembre, chroniques de l’abolition

9 mai 2024 |
ALBUM
Vingt-décembre, chroniques de l'abolition
DESSINATEUR(S)
SCENARISTE(S)
EDITEUR(S)
PRIX
21.5 €
DATE DE SORTIE
05/01/2024
EAN
2205200933
Achat :

Appollo est une des, encore rares, figures marquantes de scénariste de bande dessinée. Largement célébré depuis La Grippe coloniale, il publie régulièrement des albums toujours fictionnels, mais largement ancrés dans une grande Histoire, souvent celle de La Réunion, où il vit depuis des décennies. Mais comme il le confiait à Bodoï, il préfère qu’on parle de lui comme un auteur d’« histoires [..] géographiques plutôt qu’historiques ». Et d’ajouter : « Je pourrais traiter n’importe quelle période, je pense, mais pas parler de n’importe quel endroit, par contre. J’estime que pour parler d’un lieu, il faut le connaître intimement. » Et son endroit à lui, c’est La Réunion et ses alentours.

Avec Téhem, vieux camarade du Cri du Margouillat, un des plus anciens fanzines de bande dessinée encore en activité, il a donc raconté un récit d’adolescence sur fond de Seconde Guerre mondiale en 2018. Le duo de ces remarquées Chroniques du Léopard se reforme donc six ans plus tard pour explorer une nouvelle page de cette histoire française, pourtant si méconnue. Le dessin semi-réaliste (ou semi-humoristique ?) est toujours aussi pertinent pour ce genre ce récit, évitant la grandiloquence mais pas la précision, rendant l’émotion assez vive plus sûrement qu’un réalisme froid. Encore une fois, on y trouve des personnages historiques, encore une fois l’essentiel est ailleurs.

vingt-decembre_image1Il reste qu’Edmond Albius, jeune esclave qui ne sait pas lire mais découvre la fécondation de la vanille et assure ainsi la prospérité des propriétaires, est un fil conducteur du livre. Tout comme, en toile de fond, Roussin et Potémont, deux dessinateurs – l’un installé, l’autre de passage – qui livrèrent d’essentiels témoignages dessinés sur ce milieu de XIXe siècle. Car c’est en 1848 que se situe le tournant du récit, et le vingt décembre est une date spontanément identifiée par des milliers de personnes, pourtant largement ignorée d’autres : celle de l’abolition de l’esclavage dans les colonies. À travers une galerie diversifiée de personnages – des réels aux vies inventés, des fictifs parfaitement crédibles, jusqu’à Makouta, esclave libre et vengeur à l’aura mythique –, les auteurs tracent les chroniques (promises en titre) de ce moment majeur.

Si Albius est au centre, il n’est pas plus le personnage principal qu’Héry, le marron, Marianne, l’esclave malaise, où tous les autres témoins qui semblent bringuebalés, quelle que soit leur rage ou leur acception, condamnés à vivre un événement plus grand qu’eux. Au fil de cette abolition, qui prend plusieurs mois entre son annonce et son exécution, l’on découvre la presque révolte des « petits blancs », des foules scandant en même temps « vive la République » et « vive le Roi », des noirs qui soudain « deviennent des blancs », mais pas exactement. Le passionné de bande dessinée aura l’occasion de voir quelques-unes des cases de Potémont qui, petite histoire dans l’Histoire, a été un des premiers auteurs de bande dessinée français, à 10 000 kilomètres de Paris.

Certains faits historiques sont plus grands que d’autres, l’abolition de l’esclavage est de ceux-là. Il fallait une certaine subtilité pour réussir à l’aborder sans tomber dans le pathétique ou, au contraire, la liesse perpétuelle. Avec cette galerie de personnages plus ou moins engagés, entre débrouille et lucidité, les auteurs montrent une abolition qui, si elle a bien rendu les esclaves libres, n’est pas aussi libératrice qu’attendue. Paradoxalement, ceux qui s’en tirent le mieux sont les riches propriétaires, indemnisés, quand les blancs pauvres sont désormais en concurrence avec leurs concitoyens. Avec le départ des esclaves vient la valse des « engagés » indiens… Après le vingt décembre, les années passent et l’album ne s’arrête pas, rappelant que ces chroniques d’un moment ont des répercussions très longues. Le sujet n’a de fait jamais cessé de résonner à La Réunion comme le rappelait, tout aussi brillamment, un album solo du dessinateur paru il y a quelques années.

vingt-decembre_image2

Publiez un commentaire