En attendant le quatrième tome de la série Le Petit Théâtre des opérations (PTDO), à paraître le 2 novembre, retour sur son spin-off : Toujours prêtes !  Au lieu de ressusciter les héros oubliés des guerres mondiales, le scénariste Julien Hervieux rend hommage à des héroïnes de guerre dans huit courts récits dessinés par Virginie Augustin. Rencontre avec la dessinatrice à l’occasion du festival Samedi BD, qui s’est tenu le 30 septembre dernier à Charnay-lès-Mâcon pour célébrer les 25 ans de la maison d’édition Bamboo (propriétaire de Fluide Glacial). 

Ce n’est pas vous qui dessinez la série PTDO, mais Monsieur le Chien. Comment êtes-vous arrivée sur ce projet de Toujours prêtes !?

Clément [Argouarc’h, le nouveau directeur de la rédaction de Fluide glacial, N.D.L.R.] m’avait proposé de bosser pour Fluide, mais je lui avais répondu que j’étais dessinatrice, que je ne savais pas faire de gags. De son côté, Julien [Hervieux, alias L’Odieux Connard, le scénariste, N.D.L.R.] avait suggéré à Clément de faire un PTDO sur des femmes. Séduit par l’idée, Clément a suggéré que ce serait plus légitime que ce soit une dessinatrice et non Monsieur le Chien qui s’y colle. Et il a pensé à moi. J’étais justement sur Joe la pirate, qui raconte aussi la biographie d’une femme méconnue… sauf que je ne voulais plus repartir sur un roman graphique de 200 pages ! Donc le format d’histoires courtes et rigolotes pour Fluide m’a convaincue.

Ce n’est pas trop difficile de travailler avec un Odieux Connard ?

Je ne connaissais pas le boulot de Julien avant qu’on me propose cette collaboration, donc je me suis précipitée sur ses bouquins. Là je me suis dit : « Il est bon, ce con ! » Il se fait passer pour un méchant, mais en réalité c’est un gentil. Cela doit devenir compliqué d’assumer ce pseudo quand il a des conférences avec des gens sérieux ! Donc pour répondre à la question, non, ce n’était pas difficile de travailler avec lui. Mais il a fallu que je travaille au rythme du mensuel. Cela crée une dynamique, et cela explique que les auteurs et autrices qui sont passées par la presse soient aussi à l’aise, travaillent vite. C’est une mécanique à acquérir.

Ces huit histoires parlent de femmes aux actions remarquables, dont beaucoup ont été oubliées. Avez-vous réussi à trouver de la documentation pour les dessiner ?

Julien est parfait : il écrit chaque histoire avec une masse de documentation, il recoupe les infos. Si j’ai une question précise sur un uniforme, par exemple, Julien m’aide à trouver la réponse. Bien sûr, je n’ai pas toujours une photo de mitraillette Sten avec tous les angles dont j’ai besoin, donc je complète avec mes propres recherches. Pour Marie Curie, je n’avais qu’une photo où elle tire la tronche. Je suis allée chercher d’autres photos… Eh bien, elle fait tire tout le temps la gueule ! Je l’ai donc dessinée comme ça.

Avez-vous été touchée par une de ces femmes en particulier ?

Je dirais Marie Marvingt, la première histoire sur laquelle j’ai travaillé. Je ne la connaissais pas du tout ! Cette femme a l’air lumineuse. Sur la photo où on la voit âgée, elle semble s’être amusée toute sa vie. J’aime dégager le caractère des personnages féminins sur lesquels je travaille. C’est important de valoriser les femmes, au-delà des quelques-unes emblématiques comme Simone Veil ou Joséphine Baker.

Ne craignez-vous pas que l’on dise que l’album surfe sur la « vague de BD féministes » ?

Certains l’ont déjà dit. Mais dans cette série PTDO, on parle de militaires. Et parmi eux, il y a des femmes. Donc peu importe ce que pensent certains, les autres sont acquis à la cause… Il faut continuer !

Il y a quelques anachronismes (volontaires) dans ces histoires. N’est-ce pas prendre le risque de les faire perdre en crédibilité, alors qu’elles sont vraies par ailleurs ?

Les anachronismes, c’est parce qu’on est quand même dans Fluide glacial, il faut qu’on puisse rigoler ! Fluide est super ouvert par rapport à ça, alors on propose des idées et on voit si ça passe. L’officier en PLS, par exemple, c’est une idée de Julien, la parodie de Déjeuner sur l’herbe de Manet, c’est moi.

L’une des histoires se passe en Chine. C’était ton idée de la dessiner façon manga ?

Oui. J’aime beaucoup changer de style. J’étais frustrée de ne pas pouvoir tester le manga : j’adore cette narration, mais elle nécessite de se lancer dans plusieurs tomes, soit des centaines de pages, et je ne veux plus faire ça. Là, c’était l’occasion parfaite pour essayer ! J’ai eu peur de faire de la récupération culturelle assez honteuse… Donc j’ai fait des pages tests, que Fluide a validées, et mieux encore, m’a dit qu’on allait pousser l’exercice jusqu’au bout en faisant du noir et blanc.

Qu’est-ce qui ressort de cette expérience de Toujours prêtes ! ?

Fluide glacial, c’est un véritable laboratoire, il faut que les pages sortent, quitte à ce que certains trucs ne fonctionnent pas. On est imparfait, mais tant pis, avançons comme ça, dans l’énergie !

Des projets en cours ?

On va faire le tome 2 de Toujours prêtes ! Et chez un autre éditeur, je dessine l’histoire de la Comédie française, à partir du scénario de Michaël Le Galli.

Propos recueillis par Natacha Lefauconnier

_______________________________

Toujours prêtes ! #1.
Par Julien Herieux et Virginie Augustin.
Fluide Glacial, 15,90 €, mars 2023.

_______________________________