Vous reprendrez bien une tournée de « Franky » ?
Des confirmations, des surprises, beaucoup de découvertes. Le troisième numéro de la revue semestrielle codirigée par les Requins Marteaux (Franky l’été) et Cornélius (Nicole l’hiver) s’impose plus que jamais comme la meilleure bande-annonce de la BD indépendante, panorama des forces vives du 9e art.
Et pour cause, après deux opus de haute volée, le Franky, ensaucissonné et coiffé d’un nœud pap’ revient encore très affûté, un peu tanné par le chaud soleil côtier. La recette ne change guère : environ 300 pages d’humour potache ou trash réjouissant (en mode zoophilie souvent) et surtout toujours ce désir et cet élan conjoints de nouvelles formes de narration par l’image, la volonté de vivifier le paysage parfois terne de la BD contemporaine par la création tous azimuts. Beaucoup d’auteurs (32 ?) donc, une large place accordée à la scène française avec des confirmations, à l’image de l’excellent Morgan Navarro et son Teddy Beat fourré dans un Maghreb libéré, un Winshluss encore trash et sans bavure, et Delphine Panique avec son coquin récit de plage, conjuguant ton décalé, fantaisie et regard plus noir. On n’oubliera pas d’autres récits étonnants : la parodie bizarroïde d’Olivier Texier avec de l’héroic fantasy coincée entre Brokeback Mountain et Walking Dead, la recherche foisonnante mais lisible de Lasse et Russe, et les très marquants HTML Flowers, une histoire de sauce blanche aux crayons de couleurs, et celle de M. Kern, glaçante. Mais aussi des découvertes – Guillaume Pinard, les dessins entêtants d’Alexis Beauclair ou l’art du décalage par Adrien Albert.
Côté auteurs étrangers, quelques noms connus des spécialistes – le trop rare John Pham, le finlandais Marko Turunen ou l’Allemande Aisha Franz. Mystérieux ou étranges, toujours stimulants, les travaux présentés, à la croisée de l’expérimentation et du délire fécond, bénéficient de la variété des motifs, des formats – illustration, doubles pages, histoires courtes, inserts humoristiques de l’éditeur pour introduire chaque récit – mais aussi des techniques, du crayon noir et blanc aux crayons de couleurs en passant par l’infographie, entre traits jetés et épurés, mâtinés d’un graphisme moqueur usant d’autodérision (Jean-Philippe Bretin, épigone de Simon Roussin ?).
Bref, on vous laisse découvrir cette effervescence, le tout dans l’ivresse et la gaieté, en prenant votre temps pour mieux apprécier. Et pour ne rien gâcher, l’éditeur a corrigé les hésitations du premier volume en associant auteurs et pagination, introduisant plus de rigueur et de lisibilité sans sacrifier l’esprit festif. On attend donc de pied ferme Nicole cet hiver, « la BD qui porte des lunettes…mais pas de culotte! »
Franky #3.
Collectif.
Les Requins MArteaux, 304 pages, 14,50 €.
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