Voyage au centre de la Terre #1-2
Kurazono avait un désir : réaliser des histoires « à la Jules Verne ». Hélas, ses scénarios n’ont pas convaincu son éditeur qui, du coup, lui a conseillé de carrément adapter l’écrivain pionnier. De manière amusante, le mensuel nippon Comic Beam (Deathco) a alors simultanément accueilli, en 2016-2017, deux adaptations d’oeuvres cultes (et tombées dans le domaine public, ça aide) dont les titres se répondent en miroir : Voyage au centre de la Terre de Verne et Les Montagnes hallucinées de Lovecraft – par Gou Tanabe pour celle-ci, à paraitre prochainement en VF. L’aventure en profondeur et en altitude. Mais nous sommes au XXIe siècle : la S-F a eu le temps de se (ré-ré-ré-)réinventer et de raconter des épopées infiniment plus dingues qu’une « simple » exploration des entrailles de la planète. Alors, Verne est-il périmé?
Du tout ! Et certainement pas dans ce récit. Ben oui, la panse du globe fascine toujours autant – après tout, les théoriciens de la « Terre creuse » affirment qu’elle abrite les Reptiliens. Ici, tout part d’un étrange parchemin. Il contiendrait un message codé donnant des indications sur la manière de se rendre « à l’intérieur ». Où, quand et comment. Cette perspective obsède totalement l’excentrique professeur Lidenbrock, au point d’organiser une expédition quasiment suicidaire en compagnie de son (moyennement consentant) neveu orphelin et d’un guide aussi mutique que robuste.
À la fois fidèle, sobre – à 20.000 lieues, environ, du film hollywoodien de 2008 – et puissante, cette version (prévue en 4 tomes) galope vite et vise juste. L’auteur va à l’essentiel. Il recourt très peu au lexique graphique du manga archétypal et crée l’impact par la seule force d’un trait brut et expressif : presque pas d’onomatopées ni d’effets de vitesse, aucune excentricité de mise en page. Une épure qui se marie à merveille avec l’élémentarité du récit, dont l’efficacité n’a pas pris une ride. Vous ne souhaitez pas un ersatz modernisé d’univers vernien (qu’il soit labellisé « hommage », « steampunk » ou autre) mais la véritable expérience ? Le charme primaire du souffle d’origine, sa bonne odeur de naphtaline ? Monsieur Kurazono a ce qu’il vous faut.
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