Vraoum !, l’expo incontournable de l’été (et de la rentrée)
Ce fut l’expo incontournable de l’été, dotée d’un nom censé figurer une trajectoire ou l’accélération d’une moto. Installée à la Maison rouge à Paris, Vraoum! part du postulat – pas encore évident pour tout le monde – que la bande dessinée est un art contemporain, et la mêle à des oeuvres modernes proches d’elle ou influencées par elle. Dépêchez-vous donc d’aller la voir, car elle ferme ses portes le 27 septembre. « Un art mineur est un médium qui a réussi à creuser une faille vers un art majeur, précise le critique d’art et commissaire de l’exposition (avec David Rosenberg) Pierre Sterckx. Ce fut le cas de la BD jusqu’à présent. Elle se situe entre peinture et littérature, et bouleverse progressivement leur hiérarchie en s’introduisant entre elles. »
On pénètre une véritable malle aux trésors, qui en met plein les yeux. C’est que, sur 1500 m2, sont intelligemment mêlées installations, peintures contemporaines et raretés de la bande dessinée internationale. « Chez les artistes contemporains, les noces avec la BD commencent dans les années 60, quand les artistes du pop art américain s’emparent de la culture populaire et la magnifient, précise Pierre Sterckx dans le petit livret offert au visiteur. Warhol tire le portrait de Popeye, Lichtenstein porte les cases des comics aux dimensions de toiles. En France, les artistes de la Figuration Narrative, Hervé Telemaque et Erro en tête, sont les premiers à intégrer dans leurs oeuvres les personnages et codes de la BD. Pour ces artistes et ceux qui leur emboîtent le pas, d’Hervé Di Rosa à Gilles Barbier en passant par Bertrand Lavier, la BD n’est plus perçue comme une forme déconsidérée de sous-culture, mais comme une source de références communes à leur génération. »
Après une « entrée apéritive » toujours selon Pierre Sterckx – qui montre tout de même une planche de Tintin en Amérique revue par Jochen Gerner (TNT en Amérique), un Mickey sexualisé par Keith Haring (Mickey Mouse – première photo) ou la tête de Donald Duck transformée en grotte (The Cave de Philippe Mayaux), on découvre des oeuvres originales de « pionniers », à savoir Alain Saint-Ogan (Zig et Puce), Richard Outcault (The Yellow Kid, la première BD publiée dans la presse) ou Winsor McCay. Au Little Nemo de ce dernier fait écho le Man in bed de Peter Land, à savoir un homme en pyjama, aux bras et jambes anormalement longs, endormi dans un lit.
L’espace suivant est consacré au Far West. Jerry Spring, Blueberry et Lucky Luke sont présents bien sûr. Mais aussi une installation d’Olivier Babin, The Great Escape, montrant une miche de pain et son image radiographiée: une lime se trouve à l’intérieur, renvoyant à une évasion des Dalton via cette astuce. L’esprit gambade d’un médium à un autre, et atterrit au milieu de « bestioles et créatures ». Ici, un chiot joueur, un singe à l’air farceur et un panda mécanique vus par Andy Warhol (Children Paintings – photo ci-dessous). Là, le Garfield de Jim Davis, le Snoopy de Charles Schulz, les Schtroumpfs de Peyo ou le Chat de Geluck.
Naturellement, on évolue vers un univers totalement disneyen, et néanmoins dévoyé. Arnauld Colcomb fait de Mickey une descente de lit (Trophée de chasse), tandis que Wim Delvoye a tatoué sur le corps d’un cochon vivant – mort et dépecé depuis – la crucifixion de Donald, sous les yeux de Picsou, Riri, Fifi et Loulou (Donald). Trône non loin de là la reconstitution minutieuse du squelette de Dingo (Ridicularis par Hyungkoo Lee), sous un dessin original de l’animal.
Ni Hergé, ni les créateurs japonais ne sont oubliés. Le premier, dont on peut admirer plusieurs travaux d’approche, est revisité par Henrik Samuelsson (A Melted Winter for a cold mirage), qui livre en peinture sa version très personnelle de Tintin au Tibet. Les seconds s’affirment à travers les oeuvres du studio Tezuka (un celluloid et un dessin au feutre d’Astroboy), et surtout les trois somptueux dessins – dont deux en couleurs – et deux planches de Kazuo Kamimura, tirés de Lady Snowblood.
On plonge ensuite dans la science-fiction: les travaux de Jean-Claude Mézières, Enki Bilal, Philippe Druillet ou Jean-Claude Forest sont exposés. Changement d’ambiance ensuite avec un espace thématique dédié aux gags et aux « gredins et chenapans ». Astérix, Popeye ou Gaston Lagaffe semblent donner la réplique à Zig et Puce ou Quick et Flupke.
D’autres zones artistiques génèrent des soupirs d’admiration: un couloir « pictural » – regroupant des dessins colorés de Franquin, Nicolas de Crécy, Jacques de Loustal, Hugo Pratt ou Lorenzo Mattoti -, la Lolita d’Alain Séchas (une sculpture qui s’exprime sur la toile disposée derrière elle), une couverture géante et chiffonnée de Fluide Glacial (Vous avez du feu de Wang Du), ou encore les cases colorées de Rivane Neuenschwander (Zé Carioca and friends O Saci), qui invitent le badaud à y jouer de la craie. Le ravissement se poursuit avec une salle exubérante, offrant à l’oeil une statue malicieuse de Murakami (Kiki – photo ci-contre) ou un Batman obèse (Fat Bat de Virginie Barré).
Place pour terminer aux super-héros et à l’érotisme. Superman, Catwoman, Hulk et consorts sont envoyés à l’hospice par Gilles Barbier, tandis que les dessins de Crumb, Reiser ou Wolinski sont remisés au sous-sol, dans une pièce fort sombre. On sort de la Maison rouge groggy, mis k.o. par tant de virtuosité déployée en un seul endroit. Et avec une seule envie: y retourner et s’émerveiller, encore, devant tous ces trésors.
Laurence Le Saux
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Vraoum ! Trésors de la bande dessinée et art contemporain
Jusqu’au 27 septembre à la Maison rouge, 10 boulevard de la Bastille, 75012 Paris.
01 40 01 08 81. Tarif: de 5 à 7 €.
Ouvert du mercredi au dimanche de 11h à 19h, nocturne le jeudi jusqu’à 21h.
Photos © BoDoï
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Vraiment sympa comme expo, je ne m’attendais pas à autant de richesse et de rapprochement entre art contemporain et BD.
A visiter absolument !
Ps: Petit fou rire avec l’installation des super héros à la retraite !
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Vraiment sympa comme expo, je ne m’attendais pas à autant de richesse et de rapprochement entre art contemporain et BD.
A visiter absolument !
Ps: Petit fou rire avec l’installation des super héros à la retraite !
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Yes très bonne expo. J’ai bien aimé aussi le mur où les visiteurs peuvent exprimer leur créativité avec une simple craie. Par contre, j’ai moins aimé le fait de ne pouvoir prendre de photos.
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Yes très bonne expo. J’ai bien aimé aussi le mur où les visiteurs peuvent exprimer leur créativité avec une simple craie. Par contre, j’ai moins aimé le fait de ne pouvoir prendre de photos.
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Vous auriez pu en parler avant, elle se termine demain!!
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Vous auriez pu en parler avant, elle se termine demain!!
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