Vues subjectives de Jérusalem, avec Guy Delisle
Après Shenzen, Pyongyang et Chroniques birmanes, le dessinateur globe-trotter Guy Delisle s’est installé un an en Israël et en a ramené des Chroniques de Jérusalem. Par petites touches et sur plus de 300 pages, il raconte son quotidien dans Jérusalem-Est, sa vie d’époux de travailleuse humanitaire, de papa stressé de deux marmots, et de dessinateur de bandes dessinées en quête d’échanges artistiques. Il en ressort un livre pédagogique et drôle, entre le reportage documenté, le témoignage sur le vif, le journal intime et effaré sur un pays en guerre perpétuelle. Avec toujours un sens de la narration et de la distance très efficace. Rencontre avec un auteur discret et passionnant, dont l’ouvrage est autant un succès critique (sélectionné à Angoulême) que de librairies (plus de 30000 exemplaires écoulés en un mois).
En vous installant à Jérusalem avec votre épouse, aviez-vous déjà l’intention de réaliser ces Chroniques ?
Non, je pensais pouvoir travailler sur d’autres projets BD. Mais il fallait s’occuper de nos enfants, car les nounous sont trop chères là-bas (à peu près le même prix qu’en France). Et puis, je pensais pouvoir intégrer un atelier avec des auteurs locaux, mais il n’y a rien de tel là-bas… Je suis donc parti sur l’idée de réaliser des croquis des lieux que je visitais quand les enfants étaient à l’école. C’est une bonne manière de découvrir une ville: rester à un endroit pendant un certain temps et le dessiner permet de rencontrer des gens, ça vous ouvre les portes.
Comment est alors venue l’idée du livre ?
En rentrant en France, après un an sur place, j’ai raconté certains épisodes de mon séjour là-bas à différentes personnes, qui ont paru très intéressées. Car on ne connaît en général Israël que par ce qu’on voit à la télévision, mais la vie quotidienne, notamment à Jérusalem-Est, est bien différente. Il fallait aller au-delà des grandes lignes connues de tous, montrer les belles choses — comme l’esplanade des mosquées — sans oublier de raconter un peu de leur histoire. La bande dessinée est un outil pédagogique puissant, car on peut apprendre des choses très rapidement, en quelques images.
Le conflit israélo-palestinien est ultra-sensible, et déchaîne souvent les passions. Avez-vous eu peur de vous lancer dans ce sujet ?
Un petit peu, oui. J’avais déjà ressenti cette crainte avec Pyongyang [sur son séjour en Corée du Nord, ndlr]. Je me suis lancé tranquillement, en commençant comme souvent par raconter mon arrivée à l’aéroport, puis dans mon logement sur place… Et je me suis rendu compte que ça fonctionnait, car j’adoptais dans mon récit la position de celui qui a tout à apprendre. À travers des chroniques quotidiennes, dotées d’une vision très terre à terre, je partage avec le lecteur mes découvertes et mon étonnement.
Quelle est votre méthode de travail ?
Ce fut à peu près la même que sur Chroniques birmanes ou Pyongyang. Je prenais des notes le soir sur ce que j’avais fait la journée, sur les personnes que j’avais rencontrées… Et, en plus, j’ai réalisé beaucoup de croquis dans la ville. Ensuite, j’ai repris tout cela pour construire mon récit. Et j’ai aussi accumulé pas mal de documentation, car je parle ici d’un lieu beaucoup plus connu que la Birmanie, par exempl e; je ne peux pas me contenter d’approximations. En outre, j’ai fait valider les citations des gens qui parlent dans le livre sous leur vrai nom, pour ne mettre personne en difficulté.
On vous découvre assez peu à l’aise dans les moments de tension…
Mon truc, c’est de me nourrir du petit quotidien, j’apprends beaucoup dans les moments de calme: les gens parlent alors plus librement. Sur le front, face à des événements spectaculaires, je ne me sens en effet pas très à l’aise. J’aurais été bien embêté devant le « Printemps arabe » !
Comment avez-vous choisi les sujets abordés dans le livre ?
J’ai retenu ce qui m’avait frappé et les moments dont j’estimais qu’ils pourraient apprendre quelque chose à mes lecteurs. Comme ma rencontre avec les bédouins ou avec les Samaritains. J’ai fait lire mes Chroniques à des spécialistes de la région, qui m’ont avoué avoir appris certaines choses. Ça fait plaisir.
Vous faites parler des Palestiniens, des membres d’ONG, des artistes, des soldats israéliens qui dénoncent les agissements de l’armée… Mais presque pas d’Israéliens qui défendent l’installation des colonies ou les décisions politiques de leur gouvernement. Pourquoi ?
Tout simplement parce que j’en ai rencontré très peu ! J’ai surtout croisé des expatriés autour de l’école de mes enfants ou lors des stages de BD que j’ai animés… Ensuite, j’ai souhaité suivre une visite organisée par le mouvement de soldats Breaking the Silence, car ils possèdent une sensibilité de gauche comme moi.
Cette année est parue une autre bande dessinée témoignage sur Israël : Comment comprendre Israël en 60 jours (ou moins). Et le bandeau promotionnel citait un compliment que vous lui faisiez. Que pensez-vous de ce livre qui délivre un avis biaisé sur le conflit ?
Je ne suis pas tout à fait convaincu par cet ouvrage, car il manque clairement d’un point de vue sur le sort des Palestiniens, pour contrebalancer la visite de propagande que l’auteure a suivi. J’avais donné mon accord pour figurer sur le bandeau de la version américaine, mais pas française… Ce qui demeure toutefois intéressant dans cette BD, c’est le questionnement intérieur de Sarah Glidden et la manière dont le discours de propagande finit par vaincre son scepticisme…
Quels sont vos projets ? Un nouveau voyage ?
Non, j’ai envie de me poser, pour mes enfants d’abord. Je me suis installé dans la région de Montpellier, où j’ai rejoint un atelier. Chroniques de Jérusalem marque la fin d’une sorte de cycle de quatre albums. J’ai d’autres projets de livres, qui pourraient tourner autour du personnage qui me représente dans la série des Louis. J’aimerais pousser cet alter ego dans d’autres directions, mais toujours dans le registre de l’humour. Et je souhaite aussi raconter l’histoire vraie de quelqu’un d’autre: celle d’un humanitaire enlevé en Tchétchénie il y a quelques années, et qui a réussi à s’évader. Parler des petits détails de sa vie, enfermé et coupé de tout pendant trois mois.
Propos recueillis par Benjamin Roure
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Chroniques de Jérusalem.
Par Guy Delisle.
Delcourt/Shampooing, 22,50 €, novembre 2011.
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Images © Guy Delisle – 2011 Guy Delcourt Productions / Photo © Olivier Roller
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bon parlons peu parlons bien, sera t’il à Angougou cette année ?
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bon parlons peu parlons bien, sera t’il à Angougou cette année ?
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Parmis le plaisir que la BD proporcione, le carácter pédagogique m’interesse aussi sur le plain profissionnel: une ouvre pour montrer à les élèves.
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Parmis le plaisir que la BD proporcione, le carácter pédagogique m’interesse aussi sur le plain profissionnel: une ouvre pour montrer à les élèves.
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