Willem, un guide de lecture
Désigné Grand Prix du Festival d’Angoulême en 2013, et donc président de l’édition à venir, Willem a aussitôt fait réagir, pour de bonnes et de mauvaises raisons. Si certains saluaient un auteur majeur au style direct, un provocateur cultivé et un observateur aiguisé du théâtre du monde, d’autres reprochaient à Willem de ne pas être un auteur de bande dessinée. Reproche absurde s’il en est, car si Willem est aujourd’hui surtout connu pour ses dessins de presse dans Libé (effectivement excellents) ou ses chroniques et carnets (publiés dans Charlie Hebdo) sa bibliographie en bande dessinée, quelle que soit l’acception qu’on lui donne, est incontestablement celle d’un grand auteur. Petit aperçu pour critiquer en connaissance, ou simplement se faire plaisir face au génie revigorant de la verve d’un éternel révolté.
Par souci pratique et pour bien rendre ce guide utile à la découverte, nous n’avons présenté que des bandes dessinées disponibles en librairies. Il en existe des dizaines malheureusement non rééditées – nous ajoutons une bibliographie la plus complète possible en toute fin d’article. À noter que pour avoir une vue complète de l’oeuvre de Willem, il faut aussi aller voir du côté de ses carnets (Partout, Avignon chez Cornélius, Dégueulasse chez Les Échappés) et ses recueils de dessin de presse (tous chez les Requins Marteaux – dont un vient de paraître).
(photo © 9eArt+/Jorge Fidel Alvarez)
Rat’s hamburger
Futuropolis, 1,52 € (1985)
Quand la mythique collection X, dirigée par Jean-Marc Thévenet, lança son premier titre, elle fit appel à Willem, comme le parrain idéal de toute une génération d’auteurs publiés en son sein. Rats Hamburger est une épopée policière sur fond de trafic de drogue, de corruption et de criminalité internationale avec – bien sûr – une dose d’amour par dessus. Acide, visant juste, laissant parfois un goût amer, Rats Hamburger tome 1 est épuisé mais se trouve encore facilement en occasion, le 2 est encore disponible à un prix dérisoire: il serait mesquin de s’en priver.
Poignées d’amour / Anal Symphonies
Cornélius, 16 € (1995 et 1996).
Recueillant des doubles pages de gags publiées entre autre dans le Petit Psikopat Illustré, ces deux tomes formant une sorte de diptyque d’humour trash, comme un perpétuel doigt d’honneur au bon goût. Du sexe à l’horreur en passant par toutes les choses les plus sales – et le tout souvent mélangé – on s’amuse beaucoup en lisant ces deux livres. Bien sûr, cela choquera parfois la ménagère mais s’il y a sans doute un amusement à jouer avec la norme, rien ne sombre dans la provocation gratuite. Savoir rire avec les choses les plus basses sans tomber dans la potacherie est bien le signe des plus grands. À noter : Poignées d’amour a obtenu l’Alph-Art Humour d’Angoulême en 1996.
Le Feuilleton du siècle
Cornélius, 24,50 € (2000).
De la révolution russe à la crise pétrolière de 73 en passant par les années folles et la Seconde Guerre mondiale, nous valsons de crises en crises, de débauches en décadences, mais toujours en chantant. On reconnaît là le Willem pamphlétaire politique, observateur incendiaire de la versatilité de l’âme humaine. Mêlant personnages historiques (Hitler et Mao sont particulièrement marquants) aux destins un peu différents de la réalité officielle à des terroristes et princesses fictives, il n’épargne personne, montrant qu’il n’a rien perdu de la rage qu’il arborait au début de sa carrière dans Provo. Et si Le Feuilleton du siècle n’est pas à proprement parler un livre d’histoire, on y retrouve la solidité intellectuelle de l’auteur qui transforme tout, mais avec une crédibilité désarmante.
Les Aventures de l’art
Cornélius, 17,50 € (2004).
La même conclusion pourrait être utilisée pour ce livre, où chaque page présente et brûle en même temps une figure de l’histoire de l’art, souvent un artiste, parfois un mouvement. Publié dans Charlie Hebdo, cet exercice incisif et érudit est assez intelligent pour manier beaucoup de références tout en restant ouvert au néophyte, grâce à un traitement ouvert et humoristique. Respectueux et amateur éclairé de ces sujets, Willem ne manque cependant pas de brocarder leurs excès et incohérences, gardant ses plus vives critiques pour un marché de l’art devenu fou, où l’on achète des tableaux hors de prix comme n’importe quel vase vaguement décoratif histoire d’impressionner son voisin.
Cœur de chien / Le Prix du poisson
L’Association 6,10 € (2004 et 2010).
Ces deux petits albums de la collection Mimolette avaient été présentés comme de petits événements par l’éditeur, regrettant (et pour cause !) le dramatique oubli des BD courtes de Willem publiées dans Charlie Hebdo, malgré des parutions parfois récentes. Reprenant divers récits dessinés durant les années 1990, aux thématiques très variées mais toujours liées par un humour grinçant et un langage caractéristique (conformément à l’usage, les fautes d’orthographe sont conservées comme une appartenance entière au style de l’auteur), ces deux livres à petits prix contiennent l’essence du travail de Willem et sont à ce titre une bonne introduction pour qui ne voudrait pas prendre de risque (même si, avec Willem, le plaisir naît dans la prise de risque…).
Traquenards et mélodrames
Cornélius, 29,50 € (2014).
Sortant opportunément pour Angoulême, le massif ouvrage publié par Cornélius vient comme une réponse aux critiques idiotes sur l’inaction de Willem dans la bande dessinée. Après une courte préface de Jean-Christophe Menu, place à laissée à l’œuvre, rien qu’à l’œuvre, et c’est plus de 230 pages de BD (dont une trentaine en couleurs) qui défilent sous nos yeux. Morceaux choisis d’une dizaine d’albums parus au Square et malheureusement indisponibles, Traquenards et mélodrames est une jouissive anthologie qui permettra auw curieux de se lancer à l’eau en en ayant une vue assez complète du potentiel de Willem. Attestant combien le ton comme la forme de son travail a quelque chose de révolutionnaire, c’est l’indispensable achat de ce début d’année.
Billy the Kid
L’Apocalypse, 17 € (2014).
Dernier né en France, Billy the Kid est en fait le premier livre de Willem. Publié en Hollande en 1968, à l’époque où le membre de Provo quitte son pays pour la France, ce jalon méconnu n’avait jamais connu de traduction française. Durant près de 80 pages bien denses, on suit Billy, soldat américain, dans sa mission de conquête de la Chine. On retrouve déjà toutes les lubies de l’auteur : rejet de l’autorité et du nationalisme, humour incendiaire, sexe, provoc’ et – surtout – détestation de toute forme de bêtise… Il y a presque trop de cibles dans ces mises en pages inventives, comme si tout y était déjà contenu. C’est en tous cas une très bonne idée d’exhumer ce titre jusqu’ici inaccessible aux francophones, se tourner vers le passé étant un des meilleurs moyens de dialoguer avec le sacre présent !
Bibliographie
– Libido (L’Or du temps, 1969)
– Chez les obsédés (Le Square, 1971
– Les Aventures de Tom Blanc (Le Square, 1972)
– Drames de famille (Le Square, 1973)
– Jack l’éventreur (Le Square, 1974)
– Le Crime ça paie (Folio, 1974)
– La Crise illustrée (Le Square, 1975)
– Taisez-vous l’ennemi écoute (Le Square, 1976)
– Les Aventures du prince Bernhard (Le Square, 1977)
– Romances et mélodrames (Le Square, 1977)
– Dick talon heureux comme un con (Le Square, 1978)
– Terreur aveugle (Le Square, 1979)
– Gloire coloniale (Le Square, 1981)
– Plaisir d’esthète (Dernier Terrain vague, 1981)
– Les Crimes innommables (Albin Michel, 1982)
– Le Tour du monde de Ric et Claire (avec Joost Swarte, Futuropolis, 1982)
– Complet (Les Humanoïdes Associés, 1984)
– Bastard (Futuropolis, 1984)
– L’Amour sera toujours vainqueur (Les Humanoïdes Associés, 1984)
– Femmes pratiques (François Desvois, 1985)
– N’oublions jamais (Le Square, 1985)
– Rats Hamburger T1 (Futuropolis, 1985)
– Rats Hamburger T2 (Futuropolis, 1985)
– Serre-moi fort (Magic Strip, 1985)
– Plus mort que moi tu meurs (Futuropolis, 1986)
– Willem 30×40 (Futuropolis, 1987)
– Willem à Libération (Albin Michel, 1989)
– Retouches (Comixland, 1989)
– Appétit (Dernier Terrain vague, 1989)
– 7 Jours qui ébranlèrent le monde (Ed. Car rien n’a d’importance, 1990)
– Le Monde en images (Albin Michel, 1991)
– Euromania (Futuropolis, 1992)
– Abbess Express (Capharnaüm, 1992)
– Eurofolio (Ed. Yves Royer, 1992)
– Plutôt crever (Ed. car rien n’a d’importance, 1993)
– Quais baltiques (Mille et une nuits, 1994)
– Odeurs de campagne (Charlie Hebdo, 1995)
– Poignées d’amour (Cornélius, 1995)
– Willem à Drouot (Frederic Bosser, 1996)
– Anal symphonies (Cornélius, 1996)
– Ça va être votre fête (Cornélius, 1996)
– Tout va bien (Albin Michel, 1997)
– Deadlines (Jean-Pierre Faur, 1998)
– Le Cabinet du docteur Holtrop (Ed. Humus – Dumerchez, 1999)
– Eliminations (Les Requins Marteaux, 1999)
– Le Feuilleton du siècle (Cornélius, 2000)
– La Droite part en couilles (Bichro, 2001)
– Tout est politique (Ed. Electriques, 2001)
– Merci Ben Laden (Les Requins Marteaux, 2002)
– Ailleurs (Cornélius, 2002)
– La Paix dans le monde (Atalante, 2002)
– Elections surréalistes (Les Requins Marteaux, 2002)
– Destruction massive (Les Requins marteaux, 2003)
– Alphabet Capone (Cornélius, 2003)
– Willem (expo Nîmes) (Ed. Item, 2003)
– Les Aventures de l’art (Cornélius, 2004)
– Coeur de chien (L’Association, 2004)
– Hier et Nu (Ed. Ragage, 2005)
– Sarco l’increvable (Les Requins Marteaux, 2005)
– Lui eux et les autres (Ed. du Layeur, 2006)
– Dick Talon nazillon (Charlie Hebdo, 2007)
– Partout (Cornélius, 2008)
– Roman noir des élections (Les Requins Marteaux, 2008)
– Casse-toi pauvre con (Les Requins Marteaux, 2009)
– Le Prix du poisson (L’Association, 2010)
– Amours impossibles (Ouvroir Humoir, 2010)
– Avignon (Cornélius, 2011)
– Plus jamais ça (Les Requins Marteaux, 2012)
– Dégueulasse (Les Echappés, 2013)
– Billy the kid (L’Apocalypse, 2014)
– Le Pire est derrière nous (Les Requins Marteaux, 2014)
– Traquenards et mélodrames (Cornélius, 2014)
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