Adieu Eri
Élève de seconde cinéphile, Yūta Itō a réalisé un court-métrage retraçant les derniers instants de vie de sa mère. Présenté lors de la fête du lycée, Dead explosion mother sidère la salle et reçoit un accueil pour le moins négatif. Abattu, l’adolescent décide d’en finir lui aussi avec la vie. Rattrapé à quelques pas de l’acte irrémédiable par Eri, il retrouve un tant soit peu le goût de vivre. La jeune fille, elle-même passionnée par le 7e art, devient sa muse et lui inspire un nouveau film. Se faisant, dans une mise en abime manipulant le réel et le fictif, le mangaka mène une intéressante réflexion sur notre rapport à l’image, aux autres, aux souvenirs, à notre manière de façonner le passé en évacuant les drames passés.
Décidément Tatsuki Fujimoto ne fait rien comme ses pairs. Après une première série laboratoire (Fire Punch), un bestseller détonnant publié dans le Shōnen Jump qu’il n’hésite pas à mettre en pause pour se laisser le temps d’écrire autre chose et de préparer sa deuxième partie (Chainsaw man) et un premier one-shot bouleversant publié en ligne puis en volume relié dans la foulée (Look back), voici sa dernière BD, elle aussi publiée gratuitement sur internet avant de paraître en manga papier.
Quiconque a déjà lu une de ses œuvres sera à la fois conforté dans ce qu’il connaît du parcours et des obsessions de l’auteur (le cinéma, les muses, l’acte créatif…) et surpris par sa proposition graphique (narration très cinématographique, expérimentations de dédoublement visuel). Plus accessible que ses deux premières séries, Adieu Eri est, à l’image de Look Back, une histoire qui parlera à un lectorat moins tourné vers le manga, ainsi qu’à tous les créatifs et les victimes de deuil.
Nombre de ses planches utilisent un gaufrier en 4 cases verticales rappelant les pellicules et les story-boards de cinéma. Posant souvent sa caméra fixe, il laisse les personnages se mouvoir dans le cadre plutôt que de les filmer sous tous les angles. En grande partie dessinées en vision subjective, ses pages affichent ostensiblement son audace de mise en scène, sa méticulosité de traitement et son attrait pour les scènes muettes.
Mettant plus que jamais en avant sa passion du cinéma, les métiers créatifs et la peur du discours critique qu’ils convoquent, tout comme le fantasme, la passion et le jusqu’au-boutisme de ses idées, ce one-shot creuse intimement le sillon autofictif qu’il explore avec une insolente individualité depuis son histoire courte L’ainée de ma cadette parue dans son anthologie 22-26 regroupant ses récits courts publiés entre ses 22 et 26 ans.
SAYONARA ERI © 2022 by Tatsuki Fujimoto/SHUEISHA Inc. – Traduction : Sébastien Ludmann
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