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Alessandro Tota dessine sa "Terre d'accueil"

22 janvier 2010 |

terre_daccueil_introÇa commence comme un conte noir pour bambins, animé de formes douces et de couleurs joyeuses : Yéti, un personnage indéfinissable, « muet, gros et rose », doit quitter sa vallée paradisiaque, devenue une décharge. Immigré en France, il s’installe à Paris et côtoie les Italiens Caterina et Alessandro, ainsi que l’Allemand Volker. Tout en découvrant la dure réalité professionnelle d’un étranger sans qualification… Mêlant humour bon enfant et une légère gravité, Terre d’accueil charrie des fragments autobiographiques. Son auteur, l’Italien Alessandro Tota, vit en France depuis bientôt sept ans. Il raconte son parcours et la genèse de son premier album.

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Qui est Yéti, et pourquoi avoir choisi cette forme ronde et rose pour le représenter ?
Il y a trois ans, une copine et moi avons travaillé dans un centre appel, côte à côte. Pour nous distraire, je dessinais de petits bonshommes que j’appelais des « Puzzetti » – un mot inventé, mélange de « puzza », puanteur, et de « pupazzetti », pantins. Yéti est un « Puzzetto » sans culotte. Pour moi, il symbolise le fait de devenir amoureux, muet, rose et con.

Pourquoi vous pencher sur le sort des étrangers en France ?
Ma technique d’écriture se base sur mon vécu, que j’interprète d’une certaine façon. Habitant en France depuis 2003, il était logique que cette expérience devienne un livre. En tant qu’Italien, j’ai connu une immigration « de luxe », puisque j’ai bougé au sein de la Communauté européenne. Avec un peu de chance, je peux arriver à exprimer un sentiment universel à partir de cette situation. Une chose m’intéressait en particulier : le micro-univers affectif que tout humain tend à construire avec des gens qu’il connaît peu, lorsqu’il est seul et loin de chez lui. Nous suivons notre instinct et faisons confiance à des quasi-inconnus. terre_daccueil_deprime J’ai aussi été captivé par l’ambiguïté de mes émotions vis-à-vis de la société française. J’ai ressenti à la fois une admiration des bénéfices qu’elle procure, et un malaise face à ses contradictions.

Pourquoi faire de vos personnages, venus d’Allemagne et d’Italie, de relatifs privilégiés, et ne pas vous intéresser aux immigrés d’Afrique par exemple ?
Ne connaissant que la situation des immigrés originaires de la Communauté européenne, je ne peux parler que de cela.

Souhaitiez-vous réaliser une fable politique ?
Pas consciemment. Il ne s’agit pas d’un livre à message, ni d’un manifeste. Je voulais surtout réaliser un ouvrage accessible à tous. Le début peut rappeler l’imaginaire des ouvrages pour enfants de Tomi Ungerer, dont je me suis aussi inspiré pour la structure des pages – notamment de Papaski, qui m’impressionne beaucoup.

terre_daccueil_integrationQuelle est la part autobiographique de cette histoire ?
Le personnage de Caterina est inspiré de ma copine, qui porte le même prénom. Mais leurs caractères sont différents, et la vraie Caterina n’est pas auteure de bandes dessinées. Dans l’album, Alessandro est en fait un masque, sous lequel j’ai glissé quelques traits de ma personnalité. Quant à Volker, il ressemble vraiment à mon ancien colocataire. L’histoire se situe à Paris parce que j’y vis : cette ville est pour moi un personnage à part entière, et je n’en ai pas terminé avec elle !

Pourquoi une telle vivacité dans les couleurs utilisées ?
Je voulais qu’elles invitent le lecteur à entrer dans le récit et le mettent à l’aise, avec leur apparence inoffensive. Je suis donc allé vers les tonalités d’un dessin animé. La lumière parisienne étant très claire, j’ai dû éclaircir ma palette.

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D’où vient votre goût pour la bande dessinée ?
J’en ai toujours beaucoup lu. J’ai eu une révélation en lisant les œuvres de Crumb et celles du dessinateur italien Andrea Pazienza. Récemment, j’ai beaucoup aimé le livre de Manuele Fior, 5000 kilomètres par seconde. Et j’estime beaucoup l’auteur Giacomo Nanni, publié en France par Cornélius (Chroniquettes notamment).

terre_daccueil_parisQuel a été votre parcours artistique ?
Dès le lycée, je fabriquais des fanzines avec des amis. Ensuite, j’ai étudié aux Beaux-Arts de Bologne, où j’ai participé à la création du magazine Canicola (lauréat du prix de la BD alternative à Angoulême en 2006). Une fois installé à Paris, la solitude a influencé mon ton artistique : après avoir toujours travaillé en groupe, j’ai été obligé de me confronter à moi-même. J’ai ensuite assisté l’auteur de BD Igort, et effectué mon apprentissage à ses côtés. Je viens tout juste de commencer mon propre parcours comme dessinateur.

Quels sont vos projets ?
Je travaille sur un nouvel album, Fratelli, à paraître en 2010 chez Cornélius. Et je prépare aussi un reportage dessiné avec ma copine Caterina, qui est photographe. On y racontera la vie de sa mère, réfugiée politique en Italie, qui a fui la Yougoslavie communiste de Tito.

Propos recueillis par Laurence Le Saux

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Terre d’accueil.
Par Alessandro Tota.
Sarbacane/Amnesty International, 17,50€, le 20 janvier 2010.

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