Ama, le souffle des femmes
Été 1962, la jeune Nagisa, timide Tokyoïte, débarque sur la petite île d’Hegura, à l’est du Japon, que sa propre mère a quitté 30 ans plus tôt. La jeune fille est accueillie par sa tante, Isoé, pêcheuse d’ormeaux selon la méthode ancestrale des ama : elle plonge profondément, en apnée, simplement vêtue d’un pagne et assurée par une corde tenue par son compagnon. Après un apprentissage difficile, la jeune femme est acceptée par la communauté et devient à son tour une ama respectée, sans que cela satisfasse pour autant son désir d’indépendance…
Le spécialiste du japon Franck Manguin et l’illustratrice Cécile Becq signent une collaboration dont la délicatesse tranche avec la rudesse du mode de vie représenté. Le trait fin de l’illustratrice rend précisément le dépouillement de paysages et les décors intimes des pêcheuses, servant l’évidente érudition du scénariste. Une construction élégante donne grâce à des personnages rugueux et poétise les scènes de plongée et les rituels de la communauté. On reste cependant un peu frustré du choix des couleurs (bleu, blanc, noir), qui accentue l’aspect mélancolique de l’album, mais assourdit l’émotion ressentie.
Le choix du récit initiatique de la vie de Nagisa permet d’aborder des thèmes intimes comme les sacrifices nécessaires pour trouver sa propre voie, mais il est surtout un support pour la peinture d’une communauté en train de disparaître. Le métier d’ama apportait fierté aux femmes qui le pratiquaient, mais les jeunes filles se détournent aujourd’hui d’un métier pénible et les ressources halieutiques se raréfient. Le meilleur atout de l’album est justement de saisir la nostalgie d’un monde que les acteurs tentent de retenir par la force de la répétition des rites.
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