Arraigo – Torturée en toute impunité
Miriam Lopez vit à Ensenada, en Basse-Californie, au Mexique. Elle a 30 ans. C’est une mère et une épouse. Si elle vit mieux que la moyenne de ses concitoyens, elle n’appartient pas non plus à l’élite du pays. C’est une femme « normale ». Sauf qu’elle vit au Mexique, un pays ravagé par la violence et la corruption. Le 2 février 2011, en pleine journée, après un déjeuner au restaurant, deux hommes cagoulés l’enlèvent. Impunément.
Amenée dans une base militaire, elle est accusée à tort de participer au narcotrafic qui saigne le pays. Sur quelle base ? On ne le saura jamais ! Miriam est torturée et violée : les aveux sont lâchement obtenus. Épaulée par son mari et par une avocate de la commission mexicaine de défense et de promotion des droits de l’homme, elle engage un combat pour sa libération.
Véritable coup de poing, cet album traduit l’horreur des exactions commises par les autorités mexicaines au nom de la lutte contre les narcotrafiquants. La peur naît de l’inconnu, de l’irrationnelle situation : pourquoi a-t-elle été arrêtée ? Pour avoir critiqué les militaires ? Par pur hasard ? Le lecteur assiste impuissant au déferlement d’injustices et d’arbitraire.
La narration de Benjamin Fisher allie concision, précision et pertinence. Le trait de Georges Van Linthout est salutaire : sans fausse pudeur, sans complaisance non plus, les scènes de tortures et de viols attestent de la réalité de cette violence perpétrée, en particulier, à l’encontre des femmes. Le crayonnage noir est riche et complexe et contribue à donner une réelle épaisseur aux personnages, réalités incarnées sous le trait du dessinateur. Soutenu par Amnesty International, cet album n’est ni pontifiant, ni donneur de leçon. C’est juste un cri d’alarme qui s’incarne dans le drame vécu par Miriam.
Le duo Van Linthout / Fisher, après Braquages et bras cassés, se reforme donc pour un ouvrage salutaire, presque essentiel, pour tirer la sonnette d’alarme face à un pays qui se fracture et se meurt.
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Merci pour votre critique qui me fait plaisir. Mais vous avez inversé les rôles: Benjamin est le scénariste et moi (Georges) le dessinateur.
Bien cordialement.
Georges Van Linthout
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