Bande d’arrêt d’urgence *
Par Woodrow Phoenix. Actes Sud/L’An 2, 22 €, le 10 juin 2013.
Réaliser un pamphlet en bande dessinée est un pari résolument osé. Et le faire sans aucun personnage, ni aucune figure vivante, voilà qui relève a priori de la folie. C’est pourtant ce que réussit à faire Woodrow Phoenix dans cet ouvrage de près de 200 pages, publié en Angleterre en 2008, et qui débarque chez nous à l’approche des grands départs en vacances et des bouchons au péage. Coïncidence? Pas si sûr. Car le sujet de son attaque en règle est l’automobile.
Imaginé en réaction au décès de proches, victimes d’accidents de la route, et à la déferlante publicitaire autour du produit de consommation « voiture », Rumble Strip (le titre en VO) est une litanie contre l’usage, voire l’existence même des engins motorisés. Une voix off qui démontre l’absurdité de ces cocons hyperconfortables et synonymes de puissance sociale qui, une fois la première vitesse passée, deviennent des armes plus dangereuses qu’une Kalachnikov. Pour soutenir ce texte abondant et rentre-dedans, des images en noir et blanc représentant uniquement des autoroutes, des échangeurs, des peintures signalétiques, des panneaux routiers, des feux tricolores ou des passages piétons… Alors, si la démonstration fait parfois mouche (même si on aurait aimé que les sources d’information, nombreuses et présentes en fin d’ouvrage, soient mieux articulées avec le contenu), une certaine mauvaise foi rhétorique fera bondir les plus sceptiques. Et pour ceux qui seraient acquis à sa cause, Woodrow Phoenix finit par lasser, malgré son talent pour les mots et son design radical. Car son incantation antibagnole est éreintante et répétitive: du coup, son message se dégonfle, rendant l’effort improductif. Même pris sous un angle subjectif, un documentaire dessiné avec témoins et experts, chiffres et solutions à l’appui, aurait été plus efficace que ce pénible pensum.
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