Beaux livres pour Noël : spécial humour
Vite, vite ! La hotte du Père Noël ne va pas se remplir toute seule ! Après nos top 10 des meilleures BD de l’année (BD, jeunesse, comics, mangas…) publiés la semaine dernière, et qui forment déjà une bonne base d’idées cadeaux, voici notre première sélection de beaux livres et autres ouvrages illustrés qui feront de jolis présents au pied du sapin. Et des heureux à l’ouverture des paquets. Pour commencer, voici une sélection dédiée à l’humour.
Les Indégivrables – Chaud devant !
« Fais le calcul, dis le papa manchot à son fils. Il vaut mieux que tu crèves de réchauffement climatique dans 30 ans que de t’emmerder avec des déchets nucléaires pendant 100 000 ans! » Ou encore : « Sais-tu qu’en ne mangeant que des carottes crues, on peut vivre 5 ans de plus? », demande un pingouin à un ami, qui lui répond : « Qui peut avoir envie de prolonger sa vie en ne bouffant que des carottes crues? » Xavier Gorce revient avec un nouveau recueil de ses Indégivrables, toujours aussi philosophe, acide et clairvoyant. Forcément, de leur position d’oiseaux arctiques, ils ne parlent que d’écologie à mesure que leur banquise rétrécit. Mais pas dans une verve militante bornée, plutôt avec un regard atterré sur ce que ces crétins d’hommes inventent pour sauver la planète, ou n’inventent pas, d’ailleurs, la plupart du temps. Par ricochets, tout le monde en prend subtilement pour son grade. Et sous les manchots griffonnés, expressifs malgré leur quasi absence de face, c’est une critique saignante de l’économie libérale sans limite qui se fait jour. Drôle, piquant et intelligent.
Par Xavier Gorce. Buchet Chastel, 128 p., 19 €.
Cahier de vacances de Noël (pour adultes geeks et déviants)
Excellente nouvelle, revoilà l’équipe du label 619 sur un cahier de vacances pas comme les autres. À ne pas mettre entre toutes les mains, surtout pas celles des mômes qui croient encore au Père Noël. Car dans ces 60 pages gavées de pop culture, on dézingue à tout va le mythe du bonhomme en rouge et des fêtes de fin d’année, à base de fact checking, de BD hirsutes, de coloriage magique, de jeux démoniaques, de découpages, de tests tordus, de quiz pour cinéphiles ou fans de consoles de jeux, etc. Avec aux commandes et aux pinceaux, la fine fleur du label, aka Run, Florent Maudoux ou Mathieu Bablet, mais aussi Tony et la découverte Mangy. C’est malin, très rigolo, visuellement léché, et ça ne ressemble à rien d’autre. Un régal.
Collectif. Ankama/Label 619, 60 p., 9,95 €.
Des signes qui ne trompent pas
Pierre Kroll aurait pu devenir ingénieur environnementaliste, il a même fait les études pour ! Au lieu de ça, il est devenu dessinateur de presse. Une bonne idée, tant son oeil malicieux et pertinent associé à un trait vif et expressif offrent depuis une trentaine d’années des strips et illustrations percutants sur l’actualité, en Belgique, en Europe ou dans le monde. Le présent recueil publié par Les Arènes reprend justement trois décennies de dessins autour du thème de l’écologie, classés dans des chapitres thématiques (alimentation, mobilité, réchauffement, engagement citoyen et politique…). Et l’on perçoit l’évolution des discours entre les premiers sommets de la Terre qui n’intéressaient pas grand-monde, et les récentes COP où on en est déjà à chiffrer les dégâts dus au changement climatique… On rit, bien sûr, mais souvent jaune, car le cataclysme annoncé dans les années 80 a aujourd’hui commencé. Mais Pierre Kroll est persuadé que l’humour peut aider à avancer, à se mobiliser. Et de citer Michel Serres : « Si vous faites des livres catastrophiques seulement, si vous faites des pessimismes seulement, nous n’allons plus agir. »
Par Pierre Kroll. Les Arènes, 144 p., 20 €.
Fifiches à gogo
Étienne Lécroart n’est pas qu’un éminent animateur de l’OuBaPo, l’Ouvroir de bande dessinée potentielle, laboratoire à jouer avec les contraintes de la BD. Il est aussi un fin humoriste, comme vient le rappeler ce joli petit volume paru à L’Association, qui reprend des dessins publiés dans Spirou (les fameuses Fifiches du proprofesseur) ou Fluide Glacial depuis une douzaine d’années. L’auteur de Vanité y croque en un dessin, coloré avec élégance, un jeu de mots ou une situation incongrue, convoquant des personnages fameux (Zorro, Batman, Napoléon, Blanche Neige…) ou des sujets qui fâchent (la corrida, la psychanalyse, les légumes au repas), réinventant la pas super vie des super-héros, désenchantant les contes de fées ou jouant avec la structure même du dessin. C’est souvent inspiré et pourrait susciter chez le lecteur une envie de se faire un exercice quotidien de calembours, pour rester de bonne humeur. Une bonne résolution pour 2020 ?
Étienne Lécroart. L’Association, 224 p., 15 €.
Mon oracle + Une gaffe par jour
Concluons cette liste de shopping de Noël par deux petits objets plus ou moins inspirés de la bande dessinée.
D’abord, un traditionnel éphéméride proposé par les éditions Hugo : « Une gaffe par jour » avec Gaston. En vrai, une vignette par jour tirée de l’oeuvre indépassable d’André Franquin. Pas vraiment une gaffe ni même un gag, puisque sortie de son contexte. Mais l’occasion d’essayer de se souvenir dudit contexte et de profiter du trait génial du dessinateur (et de prendre une petite dose de bonne humeur). Autre solution contre la morosité, Mon oracle, par Lulumineuse et Margaux Motin. Soit un coffret métallique renfermant 44 cartes façon tarot, plus une notice pour les utiliser. Sur chacune, un titre, des conseils pour vivre sa vie sereinement, et surtout une illustration vitaminée et décalée de Margaux Motin. C’est surtout pour celles-là qu’on vous conseille ce cadeau qui ne sert pas à grand-chose sauf à se détendre : la dessinatrice a toujours un vrai talent pour croquer ses contemporain(e)s, dans un style mille fois copié et pas souvent égalé, tout en auto-dérision gentiment mordante.
Une gaffe par jour – Gaston. Par Franquin. Hugo – Image, 9,99 €.
Mon oracle. Par Margaux Motin et Lulumineuse. Delcourt, coll. Tapas. 27,95 €.
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Pour Xavier Gorce, ce serait pas complètement inutile de préciser qu’il est l’auteur de dessins classistes et méprisants, comme l’a bien analysé le site Acrimed : https://www.acrimed.org/Dessine-moi-un-gilet-jaune-le-mepris-selon-Xavier
Hors de question, pour ma part, de donner un liard pour des volatiles vendus aux néo-libéraux.
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Je confirme que les Indégivrables, c’était déjà pas terrible avant, mais c’est devenu vraiment mauvais. Surprenant de le voir dans des conseils.
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