Bionique



Victor, parfait nerd, gentil et timide, vient de flasher sur la nouvelle élève. Patricia Partzlaus, belle blonde au regard de braise, est la fille du richissime Glenn Partzlaus, le PDG de Venn, entreprise qui fabrique des prothèses mécaniques. Quand il ne répare pas de vieilles bécanes, des Nintendo et des Atari, Victor tente de timides approches auprès de Patricia, avant de sympathiser grâce à un chien biomécanique. Mais tout bascule le jour où Patricia est victime d’un accident de la route… Et revient transformée, mi-femme mi-robot. Le charme s’est-il envolé ?
Depuis le très beau Abaddon, Koren Shadmi (Le Voyageur, Love Addict, Coupes à cœur…) déçoit rarement. Mieux, il sait nous happer par ses mystères, sa maîtrise du storytelling et son art de brouiller les pistes. C’est encore le cas dans Bionique, histoire d’amour (impossible) du futur qui, fort heureusement, évite tous les bons sentiments du genre pour lui préférer l’exploration de l’incommunicabilité dans un contexte original. Dans une ville américaine où cohabitent middle-class précarisée et tycoon de l’industrie, un geek, solitaire et incompris, s’embrouille donc avec ses parents et, comme dans un film de Judd Apatow, creuse un puits sans fond en tombant amoureux de la fille la plus inaccessible, car riche et splendide. Lui, coincé, pas très beau mais génie de l’informatique, s’éprend de la seule fille qu’il ne pourra jamais avoir. Et si l’amour rend aveugle, c’est qu’il altère votre perception. Victor, ensorcelé par le charme vénéneux d’un ange de métal, l’apprendra à ses dépens. Car, incapable de comprendre pourquoi tout foire sans cesse, il persiste tout en cultivant un art sublime de l’échec. Malgré les gifles, les avertissements, les douleurs, les virées suicidaires et les cuites sans fin. Son fantasme, pourtant à portée de main, lui échappera. Inlassablement.
À coups de non-dits, de mensonges, Koren Shadmi bâtit une chronique sociale très fine, forte de son étrangeté pétrie dans l’incertitude. Patricia devient folle et personne ne comprend. Ni Victor, ni le lecteur. Ou joue-t-elle simplement la comédie ? Qu’importe, Victor apprendra que la bienveillance et la gentillesse n’attirent pas. Avec des personnages parfaitement typés, drôles ou insaisissables, son ambiance inquiétante, son futur rassurant ou effrayant, ses répliques tordantes et sa critique discrète du capitalisme qui anesthésie tout sentiment, Koren Shadmi nourrit une poésie du désenchantement de toute beauté, miroir contrasté des instincts les plus bas et d’un rare sens du sacrifice. Magnifiée par un trait sûr, expressif et de jolies couleurs. Une belle et cruelle histoire de sentiments.
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