Bouffon
Comme arrivée au monde, difficile de faire plus glauque : Glaviot, gamin au visage horriblement déformé, naît dans un cachot d’une jeune femme injustement emprisonnée par un noble cruel, traitée pire qu’une bête, violée régulièrement. Obnubilé par les oiseaux, qu’il n’a jamais vus, l’enfant est repéré par hasard par le seigneur du château, qui l’offre à sa fille comme bouffon. Evidemment, il se prend de passion pour la jolie damoiselle, marche dans son ombre, dort à ses pieds. Quand elle trépasse, il ose enfin l’embrasser… et la réveille. Désormais doté d’un don miraculeux, Glaviot va connaître la richesse, mais continuer à désirer l’amour.
Etonnant Zidrou, qui continue à surprendre ses lecteurs. Le prolifique scénariste — repreneur de Ric Hochet, et dont on lira bientôt Les Beaux Etés, fine chronique familiale avec Jordi Lafebre, ou L’Indivision avec Benoît Springer — renoue avec le conte (récemment pratiqué dans Les 3 Fruits, dessiné par Oriol). Mais un conte particulièrement âpre et noir, dont il semble prendre plaisir à tisser les lents fils narratifs. Il arrive à son héros par des chemins détournés, plantant d’abord son narrateur (un prisonnier philosophe, ironique aussi), le passé de la mère de Glaviot, anticipant son sort funeste, puis revenant en arrière… Le lecteur s’enfonce dans cette histoire sordide et fascinante, goûtant le trait précis, aux couleurs tantôt tristes, tantôt lumineuses, de Francis Porcel — le dessinateur des Folies Bergère, du même duo, décidément habile.
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