L’artiste roumain nationalisé français Constantin Brâncuși, souvent simplement appelé Brancusi, a été l’un des sculpteurs les plus influents du XXe siècle, notamment grâce à son approche de l’abstraction et du surréalisme. S’étant formé peu de temps dans l’atelier d’Auguste Rodin, estimant qu’il n’arriverait à rien en restant dans son ombre, il traça alors son parcours en solitaire dans un bouillonnement artistique qui le mena loin des canons du genre.

À l’époque, ses œuvres dérangent, interrogent et font dans le même temps avancer la perception de la création et de la réception artistique. C’est d’ailleurs de l’une de ses œuvres les plus épurées dont il est question dans cet ouvrage. L’Oiseau dans l’espace, une des pièces maîtresse de sa production, faisant partie intégrante de sa recherche de l’essence du vol et à laquelle il consacra 22 ans de sa vie le temps de réaliser une série de 27 œuvres en bronze et en marbre. À la réception de l’une de ces sculptures aux États-Unis, dans le cadre d’une exposition qui lui était consacré, la douane souhaitait taxer l’œuvre en tant qu’objet manufacturé, niant ainsi son statut d’œuvre d’art et donc son exonération de droits de douane. Commence alors un procès qui fera date et que l’on appela « Brancusi contre États-Unis ».

Qu’est-ce qu’une œuvre d’art ? Qu’est-ce qu’un artiste ? Qu’est-ce qui le différencie d’un artisan, d’un manufacturier… ? Ces questions reviennent souvent et depuis bien longtemps, dans des discussions plus ou moins formelles, plus ou moins professionnelles ou passionnées. Et celles-ci sont justement au cœur de ce livre relatant un véritable procès qui fit date pour le monde de l’art et pour la définition juridique de ce qu’est une œuvre d’art. Levant de nombreux questionnements, retraçant le procès dans le détail, faisant intervenir des artistes et professionnels du milieu artistique, cette adaptation en BD se révèle être un ouvrage parfaitement documenté, totalement accessible et véritablement passionnant pour quiconque s’intéresse à l’art, à sa définition et à sa perception.

Pour retranscrire cette affaire, la proposition graphique d’Arnaud Nebbache est à la fois osée et pertinente. Tablant sur une représentation lâchée à la palette de couleurs ramassée, ses planches fascinent. L’auteur parvient à dynamiser et rendre sa bande dessinée captivante de bout en bout, sans nous laisser jamais tomber dans l’ennui juridique ou technique. Ce qui est par ailleurs assez étonnant de maîtrise, d’autant plus qu’il s’agit là de sa toute première bande dessinée !