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« Brian par Bolland », confessions d’un as de la couverture

3 janvier 2020 |

brian-par-bolland_couvDe la british invasion qui transforma à jamais l’industrie des comics US dans les années 90, on retient surtout les noms de ses scénaristes : Alan Moore, Grant Morrison ou encore Neil Gaiman. Mais pour mettre ces histoires fondatrices en scène, il fallait bien des dessinateurs tout aussi talentueux. Parmi eux, et non des moindres : Brian Bolland, dont la plus fameuse contribution reste le Batman : Killing Joke qu’il dessina pour Moore.

La monographie qui lui est consacrée, et que sort Urban en France, revient sur cette aventure ainsi que sur la série Camelot 3000 qu’il cocréa avec Mike W. Barr. Mais l’ouvrage met surtout l’accent sur une autre facette de son talent : Bolland est d’abord et avant tout un spécialiste des couvertures. On se régalera de voir compilées ses contributions à Wonder Woman ou bien à The Flash. Mais le plus réjouissant demeure son travail chez Vertigo, le label DC ouvert à toutes les expérimentations et plus ou moins imaginé sous la houlette de la grande éditrice Karen Berger pour canaliser sa petite bande de Britanniques. C’est à Bolland que l’on doit certaines des Unes les plus barrées publiées à l’époque. Moins esthète qu’un James Jean, la star des cover artists illustre pour son travail sur Fables, et moins torturé qu’un Dave McKean sur Sandman, Bolland n’a rien à envier à personne pour ce qui est de l’inventivité et de l’humour.

C’est sur les titres de Grant Morrison que son travail trouvera son expression la plus inoubliable : très porté sur le méta, le scénariste écossais offre à Bolland l’occasion de laisser libre cours à ses délires les plus fous. Animal Man est leur première collaboration et les couvertures qui en découlent sont extraordinaires, à l’image de cette machine à écrire sur laquelle s’articule le script de l’épisode à venir tapé par… un singe. Pas mal non plus, les couvertures pour Doom Patrol, reflétant bien le joyeux bordel de cette série, ou bien Les Invisibles, là encore tellement méta qu’elles en deviennent des jeux de piste, à l’image de cette série de couvertures truffées de numérologie égrenant un compte à rebours vers le dénouement.

Pour ce qui est d’en donner juste assez à voir pour susciter l’envie de se plonger directement dans les pages intérieures, ces premières de couverture parlent d’elles-même. Et pourtant, on est ravi d’entendre leur concepteur les évoquer dans le détail en personne. Car comme le titre du livre l’indique, Brian par Bolland est rédigé à la première personne par l’intéressé lui-même, qui se raconte via de courts textes rédigés avec un flegme et un humour tout britanniques. Outre des anecdotes sur les conditions de publication et des apartés techniques fort éclairants (sur son utilisation de la couleur, son passage de la plume à la palette graphique…), il est surtout très éclairant de pénétrer un peu dans le processus d’élaboration parfois chaotique de ces illustrations devenues pour certaines iconiques. On y découvre notamment que le cover artist travaille bien souvent à l’aveugle avec très peu d’instructions laissées par le scénariste ou l’éditeur, et aucune ou presque indication sur le script. Un travail de commande soumis à de nombreuses contraintes (cette satanée place laissée au titre), et pourtant, pour qui sait s’en accommoder, un espace de créativité quasi-sans limite. Passionnant.

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Brian par Bolland.
Urban Comics, 216 p., 29 €, octobre 2019.

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