Carnets de thèse
L’amour dure trois ans, paraît-il. Une thèse aussi. Mais le chemin qui mène vers le doctorat n’a semble-t-il rien à envier aux affres des sentiments. Et ce n’est pas Jeanne Dargan, l’héroïne de ces Carnets de thèse, qui dira l’inverse. Ni son auteure, Tiphaine Rivière, elle-même ex-doctorante en littérature, qui s’est largement inspirée de son expérience pour « fictionner » le parcours semé d’embûches qui mène à la thèse.
Dans cette histoire, qu’elle a commencé à partager sur un blog, Le bureau 14 de la Sorbonne, on croise donc Jeanne, jeune prof de lettres en ZEP, pas très heureuse dans son travail. Alors quand elle est acceptée en thèse, même sans financement, elle fonce. Pleine d’optimisme, d’une naïveté touchante, elle se voit déjà discourir sur son sujet de prédilection, Kafka, avec les plus grands. Mais entre un directeur de thèse bien plus préoccupé par sa carrière que par les recherches des étudiants, le poste de vacataire payé au lance-pierre qui demande des heures de préparation, l’incompréhension de sa famille, sans parler de celle du banquier, le rêve de gloire tourne vite au cauchemar. Dépassement de planning, changement de sujet, guerres de chapelles, colloques sans fin… Le lecteur, lui, se régale.
En jetant un regard tendre et subtil sur la doctorante qu’elle a certainement elle-même été, Tiphaine Rivière parvient à décrire les méandres cruels de la fac et le quotidien solitaire du thésard avec beaucoup d’humour. Les extraits de fêtes de famille, où il est encore plus difficile d’assumer un choix de carrière qui ne se commente pas aisément entre la poire et le fromage, sont particulièrement savoureux.
D’un trait sans prétention, l’auteure donne du rythme au récit en multipliant les inventions graphiques. Ses métaphores visuelles, qui dépeignent la jeune thésarde face à un amphi plein de tigres affamés, ou sa thèse comme une cité à l’architecture plus qu’hésitante, tapent juste. Le soin particulier apporté aux personnages (et en particulier à Brigitte, la mollassonne secrétaire du département des thèses) fait que l’on ne s’ennuie pas une seconde. Pas besoin d’avoir fait une thèse ni d’être en prof en fac pour apprécier le livre et se dire qu’au final, l’auteure a bien fait de choisir la BD. L’université française, elle, y trouvera de quoi méditer.
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