Carnets d’Orient #10 ***
Par Jacques Ferrandez. Casterman, 15 €, le 22 avril 2009.
Jacques Ferrandez a l’Algérie chevillée au corps. Lui dont la famille a quitté cette « terre fatale » (titre de cet album) en 1956, avant l’Indépendance, tente de faire oeuvre de mémoire de façon neutre, sans prendre parti pour un camp. Il clôt la saga Carnets d’Orient, débutée avec la période coloniale française, par un dixième tome dense et violent. Forcément, puisque ses héros sont maintenant plongés au coeur des « événements » (1960-1962), comme on appelait alors pudiquement cette sale guerre.
Les principaux protagonistes sont Octave, jeune militaire pas franchement obtus, qui s’interroge sur le monde qui l’entoure et l’évolution politique de son pays, et Samia, Algérienne libérée. Habituée à s’habiller à l’Occidentale et à fréquenter ses amis quelque soit leur sexe, cette étudiante en médecine s’était retrouvée enrôlée par le F.L.N. (Front de Libération Nationale) dans l’épisode précédent. Octave, lui, décide de s’engager aux côtés des putschistes afin de renverser le pouvoir gaulliste. Et le bât blesse, car Octave et Samia s’aiment, cette dernière étant même enceinte…
Ce Roméo et Juliette algérien ne s’alourdit heureusement pas de clichés. Jacques Ferrandez excelle à tracer les contours de personnages en demi-teinte. Samia n’est pas une terroriste farouche, puisqu’elle s’assagit, et Octave n’est pas un extrémiste, il quitte ses camarades lorsqu’ils s’engagent dans l’O.A.S. (Organisation de l’Armée Secrète). La violence de cette période n’est aucunement atténuée par les coloris pastels utilisés, elle est au contraire accentuée par le récit extrêmement concis d’événements réels précis (le plasticage d’une villa occupée par des barbouzes envoyées par De Gaulle, la fusillade de la Grande Poste – qui vit des soldats français tirer sur des Pieds-Noirs). On se retrouve transporté par cette histoire sentimentale qui s’inscrit dans une Histoire chaotique, à la fois bouleversée et bouleversante.
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