Cascade
Fabio Viscogliosi est un auteur aussi rare que ses livres sont étranges. Écrivain, musicien, peintre, l’artiste est édité depuis 20 ans par L’Association, et il revient cet automne avec un livre imposant, tout juste sélectionné à Angoulême. Un recueil de courts textes illustrés, de BD abstraites, de patchworks d’images automatiques, dans lesquels il conte des souvenirs de sa jeunesse, convoque les auteurs qui l’inspirent, et jouent avec les formes et le sens.
De vrais poètes en bande dessinée, il n’y en a pas pas beaucoup, et Fabio Viscogliosi fait partie de ce cercle très restreint. Avec sa ligne claire sans âge, ses aplats de couleurs sobres et ses personnages familiers (son alter ego âne, son loup brindille à la recherche d’un coup à boire), il compose ici un autoportrait intime, où il se raconte avec tendresse et autodérision, se souvient des baisers volés adolescents, des tournées galère avec son groupe, de la relation avec un papa habile de ses mains, des balades familiales dans la montagne, de la vue sur les toits de Rome… Des mots comme une mélodie qui accompagnent des formes géométriques ou des détournements d’objets du quotidien ou d’éléments architecturaux, dans des cases évoquant les artistes surréalistes De Chirico, Picabia ou Tanguy, comme les auteurs de BD Jochen Gerner, Richard McGuire ou Carlos Nine. Il cite aussi directement des musiciens (Leonard Cohen, John Lennon), des écrivains (Musil, Chandler), des cinéastes (Rohmer, Rossellini), transformant le carnet de souvenirs en carnet d’hommages. C’est élégant, sincère et volontiers déroutant. Car cette Cascade-là est un ruisseau de mots délicats, d’humour distancié et de références culturelles personnelles, à déguster avec parcimonie. Comme on prend un café avec un ami artiste qui a toujours un livre à décrire, un film à décortiquer, un disque à fredonner. Un livre inclassable, tour à tour hermétique et attachant.
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