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Catherine Meurisse rejoue « West Side Story » à Orsay

7 avril 2014 |

Dans Moderne Olympia, Catherine Meurisse mêle culture et humour. Pour cette commande du musée d’Orsay, la dessinatrice de Charlie Hebdo, auteure du Pont des arts ou de Savoir-vivre ou mourir a imaginé une véritable comédie musicale sur papier : l’histoire d’une aspirante comédienne tout droit sortie d’un tableau de Manet, qui tombe amoureuse d’un jeune homme du clan adverse (les Officiels, ennemis des Refusés dont Olympia fait partie). Retour sur un album délicat et hilarant, qui se réclame de West Side Story.

olympia_catherine_meurissePourquoi vous inspirer d’Olympia de Manet ?

J’apprécie sa touche, sa facture, sa modernité. Manet était certes impressionniste, mais aussi influencé par des maîtres plus classiques, comme Diego Velasquez. Olympia est un tableau charnière dans l’histoire de l’art. En 1863, il fit scandale en montrant une courtisane nue, regardant le spectateur droit dans les yeux. Manet avait choisi une toile grand format, le même que pour des scènes mythologiques. Ainsi, il donnait à un sujet trivial une grande importance, bouleversant la hiérarchie artistique habituelle, donnant un vrai coup de pied à la fourmilière. Mais il fait aussi référence à la Vénus d’Urbino, à la Renaissance…

Cette fiction s’inspire grandement de Roméo et Juliette…

Oui, plutôt que les familles Capulet et Montaigu, je fais s’opposer les Officiels et les Refusés, j’utilise la vieille guerre entre anciens et modernes. D’un côté les académiques, de l’autre les futurs impressionnistes. Olympia est une Juliette naïve, très amoureuse. L’intrigue est d’une grande simplicité, car le récit comporte beaucoup de références qui risquaient de compliquer les choses. Mes personnages sont des archétypes, comme dans une pièce de théâtre. J’ai aussi fait un grand clin d’oeil à Chantons sous la pluie — Vénus, la star qui ne veut pas tourner en plein air, est une déclinaison de Lina Lamont, la star du muet que sa voix pénalise quand le cinéma devient parlant.

olympia_1Pourquoi revisiter la comédie musicale West Side Story ?

L’idée m’est venue au musée d’Orsay, en observant les visiteurs qui passaient devant la grande verrière. D’un coup, j’ai pensé à l’affiche de West Side Story, aux comédiens qui évoluent sur les escaliers en fer de New York. Il m’a paru soudainement évident de relier la peinture au cinéma, car les réalisateurs se sont beaucoup inspirés des peintures du XIXe siècle. J’ai vu en 2010 l’expo Jean-Léon Gérôme à Orsay : ses toiles présentent des cadrages étonnants, on dirait des peplums de Cecil B. De Mille ! Les conservateurs du musée m’ont expliqué que les oeuvres de Gustave Doré ont inspiré Murnau, Cocteau ou Fritz Lang… Ça a nourri mon envie de comédie musicale à Orsay. Je voulais du mouvement, parvenir à faire danser mon dessin ! Ces dernières années, j’ai vu beaucoup de musicals au théâtre du Châtelet à Paris — par exemple West Side Story, justement, On the town ou La Mélodie du bonheur. C’est jubilatoire ! Je souhaitais instiller cette vie-là, cette joie, dans mon livre.

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olympia_3Avez-vous peiné à dessiner ce musical ?

J’ai tout de suite eu le film de l’album en tête. Je voyais les ballets, mais j’ai peiné à les retranscrire. Tout raconter en chorégraphies aurait rendu mon travail illisible. J’ai donc choisi d’en conserver certains — par exemple Forniqua, une parodie de America dans West Side Story. Les enchaînements ont été difficile, il m’a fallu trouver le bon rythme, éviter que ça sonne faux. J’ai progressé au jour le jour, par séries de cinq à dix planches.

Comment avez-vous sélectionné les oeuvres du musée d’Orsay que vous représentez ?

Spontanément, celles qui m’intéressaient se sont retrouvées dans le livre. Dès que j’avais besoin d’une référence pour un moment précis, un tableau surgissait ! Il me fallait un seau d’eau froide pour doucher mon couple d’amoureux ou une falaise pour la scène du balcon de Roméo et Juliette ? Hop, une marine de Courbet. Il me fallait un flic pour la bagarre entre les officiels et les refusés, inspirée du combat des Jets contre les Sharks dans West Side Story ? Il y avait le Napoléon de Meissonnier ! C’était du tout cuit.

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olympia_6Comment vous êtes-vous retrouvée à dessiner le musée d’Orsay ?

En 2012, après Le Pont des arts, un éditeur de Futuropolis, Sébastien Gnaedig, m’a appelée pour me proposer ce projet et me donner carte blanche : je pouvais parler du bâtiment, d’un peintre, d’un mouvement pictural, d’un motif… Tout était possible.

Comment avez-vous abordé le lieu ?

J’ai été très raisonnable, je n’ai pas abusé du badge que l’on m’a confié. J’y suis allée de jour, avec les autres visiteurs. Dès que j’ai eu cette idée de comédie musicale, j’ai couru m’enfermer chez moi pour garder ma concentration. J’ai travaillé avec les catalogues, les représentations qui se trouvent en ligne. J’avais peur, si j’y retournais, que le musée me trouble et devienne une distraction. Et je craignais surtout de ne plus trouver de gags…

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Cela vous angoissait beaucoup ?

L’humour est à la fois une façon de s’exhiber et de se planquer. Il cache une volonté de plaire et de séduire… Là, je ne savais pas si mon écriture humoristique tiendrait le temps d’une histoire au long cours. Alors j’ai relu les Jack Palmer de Pétillon, les écrits de Robert Benchley, j’ai revu des films des Monthy Pyton, de Woody Allen ou de Billy Wilder. J’avais besoin d’un bain d’humour rythmé. Mon état était paradoxal : j’étais terrifiée à l’idée de ne pas faire rire, mais aussi surexcitée, car je prenais un plaisir fou à faire vivre ces tableaux. Je me suis même surprise à m’attacher à mes personnages ! Moi, vieille routarde du dessin de presse, j’ai appris le BA-B.A. de la BD en faisant Moderne Olympia.

Propos recueillis par Laurence Le Saux

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Moderne Olympia
Par Catherine Meurisse.
Futuropolis/Musée d’Orsay, 17€, le 6 février 2014.

Images © Futuropolis.

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