La jeune paysanne Li est vendue par son frère pour payer ses dettes de jeu. À Shanghai, le sort ne semble pas jouer en sa faveur. Mais lorsque son nouveau propriétaire, Zhang Xi Shun, sorte de « parrain » chinois, découvre ses talents de dessinatrice, il décide de lui apprendre la peinture et la calligraphie. Ce Pygmalion, qui cache un secret honteux, finit par adopter la jeune fille.

Premier tome d’une trilogie courant de 1920 à 1949, China Li, nous plonge dans la Chine des années 1920 et tisse en toile de fond, un contexte historique riche et complexe : empire exsangue miné par des guerres intestines et fissuré par les coups de butoirs des Occidentaux, la Chine connaît un sursaut politique à travers le nationaliste Tchang Kai-Chek qui tente d’unifier le pays. Mais c’est sans compter la menace japonaise qui gronde, la guerre civile qui oppose le leader à ses anciens compagnons de Parti Communiste chinois, la vénalité des Blancs qui s’enrichissent avec le commerce de l’opium soutenu par les mafias locales, dont le personnage Zhang Xi Shun fait partie. Toutes ces tensions se cristallisent dans une ville : Shanghai.

Cet univers se construit avec majesté sous le pinceau classique de Jean-François Charles qui utilise des aquarelles et des pastels à l’huile aux couleurs chaudes, pour immerger le lecteur dans une Shanghai sulfureuse et sensuelle. Ses planches nous plongent dans la beauté de certains paysages chinois ou dans les reconstitutions très réussies et très vivantes du Bund, ce quartier néo-classique et Art déco de Shanghai construit pour et par des Occidentaux. Le dessinateur s’associe comme pour ses précédents ouvrages – India Dreams, Africa Dreams, War and Dreams… –  à Maryse Charles, sa compagne, qui livre un scénario attendu, mais bien mené, narrant les péripéties de la jeune fille, entrelacées avec des éléments historiques.

S’il n’y a rien de révolutionnaire dans ce premier tome, on ne boude pas son plaisir de se laisser happer par l’élégance de cette BD qui aiguise l’intérêt pour les deux opus suivants.