Christophe Chabouté, autour d’un banc
Un banc public, en plein air, dans un endroit indéterminé. De cet objet, Christophe Chabouté a fait le héros de son nouvel album, Un peu de bois et d’acier. Un long récit muet, profond et aérien, quotidien et touchant. Avec des humains qui se croisent, s’ignorent, se rencontrent ou s’aiment. Ou un chien faisant subir au banc les derniers outrages. Entretien avec l’auteur de Purgatoire, Henri Désiré Landru ou Construire un feu. Qui, avec constance, trace son chemin, publiant chaque année un récit inattendu, en noir et blanc.
Où est ce banc qui vous occupe durant près de quatre cents pages ?
Dans un parc de La Rochelle, dont je ne me souviens même plus du nom. Je voulais un banc simple, sans fioritures, pour ne pas trop me lasser de le dessiner. Je savais qu’il me faudrait le représenter de – très – nombreuses fois ! Ce qui ne m’a pas plus lassé que d’habitude, d’ailleurs. Certes, aujourd’hui je n’ai plus envie de représenter un banc. Mais cela m’est aussi arrivé pour les haubans quand je réalisais Terre-Neuvas !
Pourquoi transformer une pièce de mobilier urbain en héros ?
L’idée traînait depuis longtemps, sans que je puisse réellement préciser d’où ni comment elle venait. On retrouve régulièrement des bancs dans mes livres. C’est un endroit où je n’arrive pas à me poser : je suis assez actif, je n’aime pas l’idée de me poser quelque part sans y être performant. Or, contrairement à ce que l’on peut penser, quand on se force à s’asseoir et que l’on observe, plein de choses se passent. On capte les démarches, les attitudes des gens.
Vous vouliez donner du sens à l’anodin…
Oui, j’aime le futile, l’évident. Je trouvais rigolo de donner de l’importance à un chien qui tantôt pisse sur le banc, tantôt se protège de la pluie en s’installant dessous. Je voulais faire se croiser les gens autour de ce banc comme sur une scène de théâtre. Mon héros, le banc, s’efface quand ces personnes passent.
Comment avez-vous défini le ton d’ Un peu de bois et d’acier ?
Je n’avais pas envie d’être noir ou grinçant. J’ai opté pour un humour léger, bon enfant, à la Tati. Buster Keaton, Charlie Chaplin et le Mime Marceau n’étaient pas loin.
Rendre l’histoire muette, c’était une évidence ?
Oui, j’ai tout de suite su qu’il ne fallait pas un seul mot. Ainsi, le lecteur invente ses propres dialogues, décide du futur des personnages. Le livre est ouvert, chacun peut s’y engouffrer.
Quelles difficultés avez-vous rencontrées dans sa préparation ?
Le défi était de rendre ce banc touchant. Que les lecteurs soient tristes lorsqu’il risque de disparaître. Il m’a aussi fallu orchestrer une mécanique précise : les gens défilent de façon organisée, c’est un véritable ballet qui a nécessité une construction minutieuse et longue. J’ai imaginé l’histoire comme un huis clos à ciel ouvert. Pour ne pas ennuyer, j’ai promené la caméra ici et là, mais sans abuser d’effets. Je ne voulais pas faire d’esbroufe.
Pourquoi un récit aussi long ?
Cela m’a paru nécessaire pour mettre le rythme en place, installer la récurrence des personnages. Les cinquante premières pages me servent à enclencher l’histoire. Il en faut donc beaucoup d’autres pour la dérouler ensuite.
Votre éditeur a-t-il facilement accepté votre projet ?
Vents d’Ouest a tout de suite validé l’idée d’un si gros pavé autour d’un banc. Tout en me précisant que pour un autre que moi, ça n’aurait jamais eu lieu. Je n’ai pas parlé du concept autour de moi : je ne le fais jamais, je crains de m’éparpiller et de perdre la substance d’un projet en le détaillant à autrui avant qu’il soit terminé.Il me suffit de croire fort en ce que je veux raconter, et quand je sens que ma démarche est sincère, honnête, je me lance.
Rencontrez-vous des moments de doute ?
A peu près toutes les trois minutes et demi. Je me demande si je vais donner assez de moi, réussir à équilibrer comme il faut, restituer ce que j’ai dans la tête… Je mets en moyenne un an à réaliser un album, et au bout de six mois j’ai le sentiment que mon travail est creux et n’évoque rien d’intéressant. Et puis je raccroche les wagons.
Quels sont vos projets ?
Je n’en parle jamais… J’ai un album en noir et blanc en préparation pour l’année prochaine. Cette fois, l’histoire ne sera pas muette. Si l’on considère à la fois son sujet et sa taille, disons que ce sera un très gros morceau !
Propos recueillis par Laurence Le Saux
————————————
Un peu de bois et d’acier
Par Christophe Chabouté
Vents d’Ouest, 30€, le 12 septembre 2012.
Achetez-le sur Fnac.com
Achetez-le sur Amazon.fr
Achetez-le sur BDFugue.com
Images © Vents d’Ouest.
Votez pour cet article
———————————-
-
Un commentaire tout de même.
le prix de cette B.D. —> 30 euros !!!
Exhorbitant ! J’aime bien Chabouté, mais pas à ce prix.
Pour dix minutes de lecture.
Les éditeurs de B.D. ne doivent pas compenser la baisse des ventes par de augmentattions de prix. Les lecteurs ne sont pas des banquiers.
Si BODOÏ pouvait consacrer un article à ce sujet….
Cordialement.
Commentaires