Pour nourrir sa famille, Claude vole un pain. Il est arrêté et jeté en prison. Là, le grand gaillard est condamné à tresser des chapeaux de paille du lever au coucher du soleil, avec pour seule pitance une maigre miche et parfois de la soupe. Il se lie avec Albin, frêle petit homme qui partage son quignon. Mais le directeur ne voyant pas d’un bon oeil cette amitié sincère, et voulant asseoir son autorité, transfère Albin. Crevant le coeur de Claude, qui va alors songer au pire.

Avec respect et sobriété, Séverine Lambour et Benoît Springer adaptent le classique texte de Victor Hugo, fiction âpre et puissante imaginée comme un plaidoyer contre la peine de mort. Ils se concentrent sur les mains et le regard de Claude, pauvre bougre plein d’humanité, acceptant sa peine pour avoir volé, mais pointant l’absurdité et la violence des conditions de détention. Qui rabaissent l’homme au rang d’objet, jouet de l’arbitraire de l’administration pénitentiaire et des petits chefs. Claude Gueux, meurtri par un traitement aussi dur et injuste, se lèvera et, en toute conscience, commettra l’irréparable, l’homicide. Se condamnant alors lui-même à mort, dans une société « civilisée » qui se débarrasse des insurgés par la lame d’un guillotine, mais laisse les tortionnaires exercer leurs sévices « légitimes ». La mise en scène de l’album se veut posée et distanciée, en accord avec un dessin réaliste sans fioritures, et en totale adéquation avec le roman originel. On aurait pu imaginer une appropriation plus personnelle de l’oeuvre par les auteurs, mais la mission de l’album est accomplie : interroger la justice des hommes, susciter le débat sur son sens et pousser les jeunes lecteurs à s’emparer de toute urgence du texte de Victor Hugo.