Dans les couloirs du Conseil constitutionnel



Historienne spécialiste de la peine de mort et scénariste de bande dessinée (on lui doit notamment le tristement d’actualité L’Abolition, le combat de Robert Badinter), Marie Bardiaux-Vaïente est aussi une passionnée des institutions. Quand elle est contactée pour faire un album sur le Conseil constitutionnel, elle éclate donc de joie, comme une enfant enfermée dans les entrepôts du Père Noël, et y entraîne sa collègue Gally, pour qui le travail a davantage des allures de commande.
Ce décalage entre la dessinatrice peu connaisseuse et emballée, et la scénariste nerd du droit et surexcitée, est à la fois le prétexte d’ouverture et le running gag de l’album. Ouvrage publié avec le logo de la Cour de Montpensier, l’album a donc tout les atours de la vulgarisation officielle, mais a eu l’intelligence de s’attacher les services d’autrices de bande dessinée et pas juste de spécialistes. Si la présentation n’échappe évidemment pas aux artifices didactiques – la dessinatrice pose une question, la scénariste répond, des événements historiques sont mis en scènes avec une voix off, un personnel raconte son métier – l’album sait aussi prendre d’amusants contrepieds. La passion, tantôt un rien excessive, de la scénariste souligne parfois l’aspect un peu opaque et solennel du lieu, et la flamme est ravivée lors d’allers-retours entre passé et présent. L’alternance entre des gags – souvent du comique de situation assez visuels – et des explications techniques fonctionne bien.
Si l’objectif du titre est de faire connaître l’institution, il affirme même la volonté d’en montrer des travaux moins connus, au-delà de la gestion des élections. Un défi, puisqu’il s’agit d’un lieu par essence peu ouvert aux caméras et où l’action principale, les séances du Conseil, reste secrète. Nous passons alors par des détours, des rencontres fortuites et des anecdotes (dont une escapade mellifère sur les toits), qui permettent de mieux embrasser la complexification constante au fil des ans d’un lieu à l’origine pensé pour limiter le Parlement, aujourd’hui devenu véritable Cour suprême à la française.
Bien sûr, l’album est officiel, et il passe rapidement sur les critiques parfois légitimes à opposer au Conseil, notamment sur la nomination de ses membres ou l’aspect politique de ses décisions. Il retient les arrêts les plus forts et valorisants, mais démontre bien comment le Conseil construit sa propre jurisprudence et son renforcement, avec l’exemple du délit de solidarité lors du procès Cédric Herrou. On apprécie la clarté des explications, même avec une impressionnante pyramide, et de découvrir des actions sans doute plus communicationnelles et marginales, comme le dépaysement en province ou le portail des « QPC ». L’approfondissement de ce sujet des Questions prioritaires de constitutionnalité, processus récent et encore peu connu, est particulièrement intéressant, puisqu’il s’agit du cas dans lequel n’importe quel justiciable peut saisir le Conseil.
À l’issue de l’album, si nous n’avons peut-être pas toutes et tous envie d’aller passer notre meilleure vie derrière les lourds rideaux du Conseil, ses fonctions sont beaucoup plus claires et cette institution distante apparaît pour ce qu’elle est. Un garant des libertés au service du citoyen, qui sait désormais que cette imposante maison est aussi la sienne.
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