Demain, demain ****
Par Laurent Maffre. Actes Sud BD/Arte Editions, 23€, mars 2012.
Une ville dans la ville, un lieu de misère institué. Voilà ce que fut à Nanterre, dans les années 50 et 60, le 127, rue de la Garenne.
A cette adresse se trouvait le bidonville de la Folie, qui « accueillit » 100 000 exilés économiques algériens, marocains ou portugais. De cet théâtre terrible, Laurent Maffre tire une admirable bande dessinée. Décidé à raconter le quotidien de ses habitants, il interroge quelques témoins et se base sur les travaux de Monique Hervo, travailleuse sociale aujourd’hui octogénaire, qui vécut à la Folie dans les années 60. Aidant les immigrés à communiquer avec l’administration française, et récoltant leur parole (à écouter via une belle fresque sonore).
D’un trait fin, très détaillé, il restitue les conditions de vie de Kader, Soraya et leurs deux enfants, ainsi que de leur entourage. Contant quatre années en enfer, dans la boue, la promiscuité. Décrivant les murs des cahutes humides « qui pleurent », impossibles à réparer (sous peine de représailles des forces de l’ordre). L’absence d’eau courante, d’électricité. Les maladies difficiles à soigner, qui prennent tout de suite des proportions inquiétantes. Usant d’une grande délicatesse et de beaucoup d’humanité, l’artiste insiste sur des fragments de vie a priori anodins, mais qui donnent une image juste de ces hommes et femmes ainsi parqués. Il revisite avec force un passé émouvant, révoltant.
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