Dernier week-end de janvier
Les professionnels de la bande dessinée, et même les fans, le savent : le dernier week-end de janvier, c’est le moment du Festival d’Angoulême. Où le microcosme se retrouve, pour boire des coups, signer des contrats, dessiner pour les chasseurs de dédicaces, faire des sauts de puce entre une rencontre publique, un vernissage, une remise de prix, un repas de trop au Mercure… C’est le planning de Denis Choupin, dessinateur reconnu d’une série sur Hitler chez Casterman, qui semble autant atteint par la morne routine de son boulot que par la lassitude d’une vie de père de famille ronronnante. Mais cette fois, Denis est victime d’un coup de foudre pour la belle Vanessa, qui vient faire dédicacer un album pour son mari…
Après avoir pris la mer avec Corto Maltese, Bastien Vivès revient, seul, à une histoire bien plus terre à terre, et proche de lui. En effet, on n’a aucun mal à imaginer que l’auteur, qui fréquente le Festival d’Angoulême depuis un bail, s’inspire d’anecdotes récurrentes et de ses souvenirs – le hall bondé et pesant de l’hôtel central, les fêtes improvisées, les lecteurs-collectionneurs collants – pour composer cette histoire de fugace passion adultère au moment d’une panne d’inspiration artistique. On peut même discerner sous les épaisses moustaches et lunettes une version quinquagénaire de lui-même. Ce parti-pris fera donc sourire les habitués de la manifestation charentaise, intriguera peut-être ceux qui rêvent d’y aller un jour. Pourtant, eux comme les autres seront peut-être un peu surpris du manque d’originalité et de profondeur de cette histoire. Certes, la mise en scène est impeccable, les cadrages, le rythme, les dialogues aussi, et certaines séquences ne sont pas dénuées d’émotion. Mais les récits d’attraction irrésistible et d’amour impossible, la fiction française – notamment le cinéma – en regorge et cet album n’apporte pas grand-chose de différent, si ce n’est son décor. Bastien Vivès serait-il devenu trop sage, voire ennuyeux ? On n’ose y croire et on espère que le trop grand classicisme de cet album n’est qu’une respiration avant un projet plus innovant.
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