Derrière le rideau
Pour la petite Yaël, le rideau de la chambre de ses parents incarne le voile sur l’interdit, le non-dit, ce qui doit rester caché. C’est là qu’elle surprend une jeune femme batifolant avec, probablement, son père, quelques mois seulement avant que sa mère ne décède. Le rideau tombera un peu plus, à mesure qu’elle grandit. Outre le remariage de son père, c’est toute la société qui mue : l’antisémitisme se fait de plus en plus fort et visible, et Yaël peine à comprendre ce qu’être juive signifie, et pourquoi cela suscite autant de haine. Elle n’a même pas encore dix ans quand les nazis occupent la France.
Issu du travail de fin d’études de l’autrice à l’Institut européen de design de Milan, Derrière le rideau est une bande dessinée sobre, directe, fine, qui touche au coeur de l’horreur vécue dans les yeux d’un enfant. À une époque où on n’expliquait pas grand-chose aux petits, et encore moins aux filles, comment imaginer comprendre la guerre, l’antisémitisme, les lois juives. Les humiliations, les rafles, les camps. En narrant cette histoire par la voix de Yaël, Sara del Giudice réussit à offrir un point de vue original et très sensible sur des événements mille fois contés, et profite de ses larges cases pleines de motifs et de traits crayonnés pour poser une ambiance funèbre palpable – on les verrait bien s’animer… Son album est juste, fort et émouvant jusqu’au bout. Une autrice à suivre de près.
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