Elle : Chihiro, jeune femme fleur bleue, attachante et timide qui n’a que peu d’estime d’elle-même. Lui : Yukichi, étudiant de deuxième année qui semblait avoir l’avenir tout tracé, mais qui se révèle être un loser bien prétentieux. Si rien ne les unit au début de l’histoire, le destin va en décider autrement. Après une double bousculade fortuite, leur vie va être bouleversée et leur rencontre va les mener sur le chemin de la romance.

Destins parallèles est une expérience de lecture étonnante : deux séries parallèles qui se répondent et présentent le point de vue de chaque personnage sur une seule et même histoire. Un peu comme dans le film Rashômon, la série The Affair ou le livre jeunesse Une histoire à quatre voix, Daisuke Imai relève un challenge aussi complexe qu’élaboré et enthousiasmant. En jouant sur l’histoire personnelle des personnages principaux et sur leur perception différente de la réalité, il met en lumière leur relation naissante.

Ce mangaka s’était déjà fait remarquer en France grâce à Sangsues. Le titre avait cependant surpris et déçu de nombreux lecteurs en se tournant vers le thriller et cassant son atmosphère enveloppante qu’il venait tout juste d’installer. Du point de vue formel on retrouve dans Destins parallèles – elle – et Destins parallèles – lui – ce qui faisait le charme des premiers chapitres de sa précédente série : le rythme maîtrisé, la mise en page soignée, les cadrages seyants et l’élégance de la ligne. On peut également souligner le travail minutieux effectué sur les décors. Explorés sous toutes les coutures dans les scènes clés, leur rendu réaliste rappelle sans rougir le travail d’Inio Asano (Bonne nuit Punpun, La fille de la plage, Dead Dead Demon’s De De De De Destruction…).

L’histoire en elle-même n’a finalement rien de bien original, mais les deux voix qui diffèrent s’immiscent délicatement dans la psychologie de Chihiro et Yukichi et se nourrissent mutuellement. Chaque relecture révèle toute la richesse de l’habile jeu de découpage et de mise en scène qui est déployé. L’emploi astucieux de champs-contrechamps, la réutilisation de cases ou de planches d’une série à l’autre ou le recoupement des dialogues sont autant d’exemples qui dévoilent toute la force de cette contrainte littéraire.

L’intérêt principal de ce récit reposant donc sur cette vision dichotomique, mais pas antinomique de la réalité, il est indispensable de se lancer dans les deux séries en parallèle. La cohérence du propos et les niveaux de langue sont respectés entre les deux œuvres, mais le travail de traduction/adaptation ne semble pas optimal, la lecture s’interrompant parfois à certaines tournures de phrases ou à des sentiments mal formulés… Cela n’enlève en rien à cet exercice de style rare et particulièrement bien exécuté, mais pas encore transcendé.

Petit conseil avant de vous lancer dans l’aventure : il est probablement plus adapté de commencer votre lecture par le versant féminin de cette double trilogie, la lecture de son pendant masculin devrait alors rendre encore plus prégnant l’effet recherché… On ne vous en dit pas plus !

 

 

© Daisuke Imai 2015 / Futabasha Publishers Ltd.
© 2015 Daisuke Imai (AKITASHOTEN)