Documentaire et bande dessinée sont-ils compatibles ?
On connaissait déjà les bandes dessinées de reportage et de témoignage, mais cet automne a vu débarquer un ouvrage d’un genre plus rare: le documentaire. La Guerre des OGM, de Mike et Michaël Le Galli, chez Delcourt, se pose ainsi. Mais est-ce que ça fonctionne ?
Dirigé par David Chauvel, le travail de Mike et Le Galli, comme ils l’indiquent en avant-propos, a été celui de journalistes. « L’alliance du texte et de l’image permet ici au lecteur de bien appréhender les nombreuses informations que nous avons souhaité lui transmettre, l’image venant soit soutenir le texte, soit, au contraire, apporter de la distance. » Les auteurs expliquent la création de leur album comme une enquête: « Notre livre a donc évolué, de jour en jour, de mois en mois, en fonction de ce que l’on découvrait. Il nous a fallu ouvrir des pistes, en refermer d’autres, faire des choix aussi. »
Une enquête toutefois orientée. En effet, si la parole est donnée à de nombreux scientifiques et militants anti-OGM, les laboratoires et grandes firmes productrices de semences ne s’expriment quasiment jamais. Mais cela ne vient pas remettre en cause les informations réunies dans cet ouvrage de 160 pages, fiables et solides, et complétées par un glossaire et une liste de sources de référence. On aurait par ailleurs apprécié de savoir qui, parmi les personnalités qui s’expriment dans l’ouvrage, ont été directement interviewées par les auteurs, et quels témoignages sont simplement sortis des archives.
Au final, on apprend plein de choses sur l’apparition des organismes génétiquement modifiés dans les laboratoires des années 70 et leurs utilisations sur le vivant (animaux, végétaux…). Sur leur développement dans le domaine de l’agriculture, et sur les ravages causés par exemple en Inde ou au Mexique. Ensuite, un long chapitre est consacré à la lutte anti-OGM française, avec notamment l’action de José Bové et des Faucheurs volontaires. Jusqu’au « Grenelle de l’environnement », et de la loi bancale votée par le Parlement.
Alors, est-ce que BD et documentaire sont compatibles ? Oui et non. En fait, ce documentaire dessiné ressemble en de nombreux points à ses cousins télévisuels: synthèse efficace de l’information, interview de personnalités clés, progression dans l’enquête (d’un état des lieu vers les révélations), force du message délivré… Avec les mêmes travers qu’à la télé: pour « illustrer » un long discours expliquant les manipulations de gènes dans l’ADN du maïs ou les tractations de Monsanto pour vendre ses semences, on se doit de recourir à des images prétextes. Des images qui n’ont de sens que parce qu’elles soutiennent un texte. Ou alors des reconstitutions d’événements passés, et, comme à la télé, ça ne passe pas très bien sous le crayon de Mike… Ce n’est pas gravissime, car c’est bien ce qui se dit qui compte. Mais tout de même, quand on parle de bandes dessinées, ça pose problème…
Au final, La Guerre des OGM est une enquête journalistique illustrée avec des dessins, qui s’avèrent hélas souvent plus faibles que des photos (notamment quand il s’agit de montrer des épis de maïs difformes, etc.). Ce n’est donc pas vraiment une bande dessinée, au sens où elle ne recèle pas une véritable narration en images. Mais ce support simili-BD a le mérite de rendre le propos accessible à un plus grand nombre que ne l’aurait fait un livre sans image.
Documentaire et bande dessinée sont sans aucun doute compatibles. Mais la fusion du genre et du médium se doivent d’aller plus loin, de retrouver un peu la spécificité du 9e art, afin de produire des livres plus forts et plus percutants.
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La Guerre des OGM.
Par Mike et Michaël Le Galli.
Delcourt, 17,50 €, le 9 septembre 2009.
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