Il faut croire que les adaptations de romans sont très tendance en ce moment. Après La Geste des Princes-Démons, Des souris et des hommes ou les innombrables versions de 1984 (pour n’en citer que quelques unes), voici celle d’un autre monument : Dune.

Pour ceux qui n’aurait aucune idée de quoi peut bien parler la saga de Frank Herbert, imaginez un rejeton de Game of Thrones et de Star Wars sous LSD. L’œuvre, pilier de la SF, s’étend sur plusieurs milliers de pages, traite de nombreuses thématiques complexes et est plus difficile à adapter que Le Seigneur des Anneaux. Il n’empêche que nombreux s’y sont essayé, que ce soit en longs métrages, en séries, en jeux vidéo ou même en jeux de plateau. Nombreux aussi, s’y sont cassé les dents. Cela n’a pas empêché Brian Herbert, le fils de Frank, et Kevin J. Anderson, auteurs à quatre mains de préludes et de suite à l’œuvre originale, de tenter l’aventure séquentielle, pour raconter l’histoire de Paul Atréides.

Alors que son père, le Duc Léto, se voit confier la régence de la planète Arrakis par l’Empereur, le jeune Paul est pris dans les intrigues, machinations politiques et les complots. D’un côté, les Harkonnen, famille rivale des Atréides, cherche à se venger de la perte de la planète des sables et ses ressources en épice qui ont fait sa fortune. De l’autre, les Bene Gesserit, un ordre de puissantes sorcières aux desseins secrets, semblent tirer les ficelles dans l’ombre du pouvoir galactique. Piégé entre plusieurs feux, Paul devra se défendre et trouver sa place. Car il est peut-être le messie que tant attendent.

Si, par un choix graphique intéressant, presque abstrait, et des couleur chaudes incroyables, la couverture de ce premier opus est très belle (et ce malgré l’énervante mention « roman graphique » attachée au titre), on déchante dès la première case. Le traitement des couleurs, par aplats sans nuances, dérange presque autant que le choix étrange du rose pour la planète des sables. De manière générale, la palette, froide, ne parvient jamais à retranscrire la chaleur du désert ou l’ambiance lourde des trahisons. Pourtant aguerris, Raùl Allen et Patricia Martin, livrent par ailleurs un dessin figé, à l’action statique et en mal de plans larges. L’écrasante majorité de l’album est composé de gros plan en champs/contre-champs pour faire la part belle aux interminables dialogues.

Car le roman graphique Dune est extrêmement bavard. Un choix compréhensible quand on connait la masse d’information nécessaire à transmettre à un lecteur nouveau venu dans cet univers foisonnant. Malheureusement, ces dialogues ne sont jamais naturels. Hachés, tantôt cryptiques, tantôt répétitifs, les dialogues (et les scènes) s’enchaînent sans logique claire. Certaines bulles semblent même hors contexte et n’ont aucun sens…

Il est donc difficile de s’immerger dans l’histoire. Le lecteur reste sans cesse tenu à distance par un traitement insuffisamment organique : ce ne sont pas les personnage et ce qu’ils vivent qui nous racontent l’histoire et nous font entrer dans l’univers, mais les auteurs qui s’adressent directement au lecteur, notamment par des encarts de textes présentant en voix off les lieux et chaque nouveau personnage. Même l’idée, mal maîtrisée, de suivre les pensées des personnages ne fonctionne pas et alourdit la lecture. Ici encore les personnage ne pensent pas, ils expliquent leur situation au lecteur.

Malgré le grand respect pour l’œuvre originale et quelques trop rares moment de grâce graphique ou scénaristique, Herbert fils et Anderson livrent un résumé dessiné, sans risques et sans ambition plutôt qu’une véritable adaptation. Auteurs oui, mais pas de BD.

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