Entrez dans la danse
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En 1518, Strasbourg n’a plus rien du pays de Cocagne qui a fait sa réputation. La famine, les maladies, les impôts – surtout ceux dus au clergé – et bientôt la menace turque viennent miner une population à bout de souffle. Enneline Troffea, une habitante de la ville, se résout au pire en tuant son bébé qu’elle ne peut plus nourrir. C’est alors qu’elle se met à danser, de manière frénétique, sous les yeux médusés de Melchior, son mari…
L’univers de Jean Teulé inspire le monde de la BD depuis plusieurs années déjà : Le Montespan, Je, François Villon… Richard Guérineau, lui, s’intéresse au XVIe siècle dans l’oeuvre de l’auteur. Après avoir adapté Charly 9, puis après en avoir extrait Henriquet, l’homme-reine, sorte de « spin off » du premier, il s’attaque à un fait divers réel, curieux et inquiétant : la folie dansante des habitants de Strasbourg. Guérineau s’emploie à utiliser le langage fleuri de Teulé prompt à manier l’anachronisme verbal comme pour mieux nous faire comprendre que les hommes d’hier sont ceux d’aujourd’hui. S’ajoute un trait qui nous entraîne dans le tourbillon de cette danse à la frénésie macabre, qui mène hommes et femmes à expulser leurs humeurs sur la place publique, et qui nous laisse étourdis !
Derrière la narration d’un fait divers, se cachent les enjeux du pouvoir, chers aux auteurs : une Église puissante qui manipule, spolie et effraie la population, brandissant le spectre de la menace turque, et dont l’hégémonie semble pourtant vacillante à l’orée de l’émergence du protestantisme ; un maire, l’almeister Drachenfels, bonhomme et sympathique mais faible devant l’évêque, Guillaume de Honstein. La fin choisie par l’auteur, et par là même très subjective, traduit l’anti-cléricalisme virulent qui fait à la fois la force, mai aussi les limites, de l’ouvrage.
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