Et nos lendemains seront radieux
Après de laborieux pourparlers internationaux, la présidente française va s’accorder quelques jours de repos au Fort de Brégançon. Ça tombe bien, une grosse tempête s’annonce, qui va couper les réseaux de télécommunications : enfin au calme devant un bon verre de vin ! Mais les deux proches collaborateurs présents ce soir-là, frère et soeur, ont un tout autre plan : contraindre coût que coûte la présidente à lancer une révolution politique à dominante écologique.
Près de dix ans après La Main verte, dans lequel il imaginait une France en proie à une grave crise énergétique et de transport, Hervé Bourhis revient avec une nouvelle réflexion sur l’écologie politique. Mais dans une ambiance plus sombre et avec une idée plus radicale. Ici, ses personnages principaux prônent un renversement total de régime, un changement de Constitution, pour instaurer une France en décroissance, complètement propre. Une table rase des industries et transports polluants, qui passerait nécessairement par une forme de totalitarisme économique, écologique et politique pour imposer la nouvelle direction. Le talent d’Hervé Bourhis est de ne pas produire un album à thèse, mais bien de secouer le lecteur-électeur en le mettant face à ses contradictions : il désire manger bio mais toujours rouler à l’essence pas trop chère, il est prêt à faire plus de vélo mais veut continuer à commander en ligne des produits du bout du monde, il peut bien voter écolo de temps en temps mais craint un changement trop violent. Pour dresser ce constat, l’auteur du Teckel construit un thriller en huis-clos, dans lequel la prise d’otage est le prétexte narratif à ce long dialogue programmatique. Mais il n’ennuie jamais, par des flashbacks bien sentis, et surtout grâce à un dessin souple et acéré, une mise en lumière toute en contraste, et un jeu malin sur la typographie (qui n’est pas sans rappeler ses Petits livres). En grande forme, Hervé Bourhis interroge, dérange, bouscule, mais ne se laisse pas piéger par son dispositif ni sa réflexion politique. Classe.
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