Fashion Week
Il est « une distillerie à lui tout seul », « transforme l’alcool en colère et la fumée en mandales ». Lui, c’est le Niçois, protagoniste principal d’un roman de Joann Sfar, qui vit ici une aventure en bande dessinée. Mais la véritable héroïne de l’album est finalement Loulou Crystal, narratrice et créature énamourée — quoique lucide — de l’escroc à cigare, ancienne actrice porno qui émoustille les jeunes hommes bobos avant de se jeter dans les bras de son bonhomme viril et trouble.
Le duo se trouve embarqué dans une opération à risques : le cambriolage de la suite d’hôtel de Kim Kestéchian, starlette américaine sans talent autre que celui de cultiver la notoriété. Les aléas se multiplient, l’affaire semble capoter, puis finalement réussir par un autre biais, mais Loulou et le Niçois paraissent se faire entuber par l’un de leurs acolytes — un certain Poutifar, « un vrai minable », fils d’un avocat de Nice, qui veut faire des bandes dessinées… (clin d’oeil autobiographique de l’auteur)
Avec Fashion Week, Joann Sfar donne dans la parodie exacerbée. Les personnages comme les situations sont des caricatures, poussées à l’extrême. On pourrait aimer la liberté de Loulou, son côté « amazone guerrière » au coeur tendre, son monumental culot. Ou le côté vieillot de son Niçois, tout droit sorti d’un film de Michel Audiard. Mais les personnages ne sont pas suffisamment creusés, comme si l’action — pétaradante — primait. Seulement cette dernière tourne à vide : comment s’intéresser au remake de ce casse « people » (mieux traité dans Les Bijoux de la Kardashian) creux et bavard ? Le rythme est survolté, les dialogues riches, parfois lourds, tellement qu’ils deviennent indigestes. On apprécie toujours le trait libre et vif de l’artiste, ses couleurs joyeuses. Moins sa façon de s’adonner au polar.
Publiez un commentaire