Fatherland
Peter Bunjevac, serbe nationaliste et militant anticommuniste, mène une vie tranquille à Toronto – ou le croit-on – avec sa femme Sophie et leurs trois enfants. Mais peu à peu, celle-ci confie son besoin de partir face au comportement violent de son mari, empêtré dans des activités étranges. Au nom de prétendues vacances, elle quitte le foyer avec ses trois enfants pour les protéger. Mais son mari refuse de laisser partir Petey, 7 ans. Il lui faudra donc en « sacrifier » un…
On avait découvert Nina Bunjevac avec l’excellent Heartless, on la retrouve ici avec Fatherland, témoignage autobiographique nourri d’histoire heurtée et de politique militante sur fond d’activités terroristes. Découpé en deux parties – Plan B et Exil – la BD retrace l’itinéraire éclaté de cette famille entre enfance, années de dissidence et fuite. Par ses cartes didactiques, ses grandes cases très lisibles et sa narration qui prend le temps, sans être verbeuse et sans nous perdre – le risque était pourtant grand -, Nina Bunjevac alterne flashbacks et récit au présent pour nous plonger dans une destinée familiale complexe, écho singulier d’un pan de l’histoire européenne, celle de la Yougoslavie, mosaïque fracturée. Terroristes, communistes ou nationalistes s’y affrontent à la faveur d’un siècle de guerre recomposant les frontières et les identités de chacun.
Plutôt commune au départ, la BD prend une réelle épaisseur quand l’Histoire vient éclairer les intentions des acteurs. L’auteure, qui sonde la douleur de la perte, ne jugeant jamais et racontant simplement à bonne distance entre empathie touchante et analyse documentaire, neutralisant ainsi une dure réalité par un regard distancié. Mais au-delà de l’histoire alternant images muettes et récitatifs, c’est surtout le graphisme fait de hachures et de pointillés qui emportera tous les suffrages : avec un style d’une rare puissance, parfois glaçant de réalisme mais toujours élégant, Bunjevac confirme son don de portraitiste-photographe, captant l’instant d’un souvenir ou le souvenir d’une angoisse. L’exil est douloureux et le trait noir mais lumineux. Logique et surtout poignant.
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