Florence Cestac dessine la vie de Charlie Schlingo
Si certains l’ont oublié, voire ne l’ont pas connu, d’autres se souviennent de Charlie Schlingo, décédé en 2005. Comme Florence Cestac et Jean Teulé, qui l’ont tous deux fréquenté et lui rendent hommage dans Je voudrais me suicider mais j’ai pas le temps, une biographie dessinée tantôt hilarante, tantôt poignante. Né Jean-Charles Ninduab – un patronyme bizarroïde dû à une erreur de l’employé de l’état civil -, l’énergumène a mené une vie aussi déglinguée que son pseudo. Atteint de poliomyélite trois mois avant la mise en vente du vaccin, il est surnommé Vilain par ses parents, qui le cachent sous la table quand viennent des invités. Sa grand-mère chérie l’initie à la BD, et en particulier aux aventures sur-vitaminées de Popeye. Et voilà le jeune handicapé pro de la bagarre à l’école, et capable de marcher sur les mains pour éviter de boiter.
En 1975, il joue des crayons dans le fanzine Le Havane primesautier, puis publie dans Hara-Kiri, Charlie Hebdo, Fluide Glacial, Métal Hurlant ou Ferraille Illustré. « Je voudrais qu’en lisant mes BD, on croit survoler un nid de cinglés qui se marrent », expliquait-il. Aussi prompt à boire des bouteilles cul sec qu’à castagner le premier venu, l’auteur de Josette de Rechange ou Onulf le marin a fait l’objet d’une enquête fouillée. Pendant trois mois, le romancier Jean Teulé (aussi auteur de BD, à qui l’on doit entre autres Darling, récemment adapté au cinéma avec Marina Foïs et Guillaume Canet) a interrogé « un maximum de ses copains de beuverie et de bagarre, des journalistes qui l’avaient interviewé, les musiciens qui jouaient dans son groupe Les Silver d’Argent, des dessinateurs, ses parents… » Pour scénariser, dit-il, « une bande dessinée qui lui ressemble, à la fois drôle et touchante, qui serre le cœur et montre à quel point il pouvait être insupportable ». Entretien avec Florence Cestac, auteure des Déblok et du Démon de midi, qui publia Charlie Schlingo chez Futuropolis dans les années 80 et met sa vie en images dans cet album.
D’où est venue l’envie de retracer la vie de Charlie Schlingo ?
Dans La Véritable Histoire de Futuropolis, je lui consacrais une ou deux pages, en précisant que son existence mériterait un livre. Mon ami Jean Teulé – qui préface tous mes ouvrages depuis Le Démon de midi – a lu l’album et m’a dit : « Allez, on le fait ! » Je ne me serais jamais attaquée à ce projet toute seule, ç’aurait été trop lourd et douloureux. À deux, ce fut plus facile. Et puis l’écriture de Jean permet d’aller au fond des choses, d’être poétique mais pas cucul. Il sait très bien manier l’humour et le tragique. Si j’avais dû m’atteler au scénario de Je voudrais me suicider, j’aurais tout raconté en détail, de peur de perdre le lecteur en route. Jean, lui, a torché ça à toute vitesse, comme la vie de Schlingo, qui se levait le matin sans savoir ce qu’il allait faire l’après-midi.
Comment avez-vous travaillé ensemble ?
Tout s’est passé comme sur des roulettes. Jean a fait sa cuisine dans son coin, puis m’a envoyé un scénario dialogué. Mon dessin « gros nez » a permis de dédramatiser des choses sordides qui font pleurer.
Comment avez-vous connu Schlingo ?
Il traînait avec la « bande du 18e », des adeptes de la « ligne crasse » [en opposition à la ligne claire] dont faisaient partie Frank et Golo. Je crois que Golo l’avait amené chez Futuropolis, au début des années 80. Nous avions sympathisé tout de suite. Charlie me faisait beaucoup rire. Son fou-rire permanent était communicatif. Sa vie était une BD, et la BD était sa vie.
Une vie extrême et agitée…
Celle d’un artiste maudit. Toutes les anecdotes et citations du livre sont vraies. Charlie s’est cramé à l’alcool. Il avait de grands coups de blues qu’il soignait par de grandes descentes. Ses douleurs à la jambe et au dos le rendaient fou. Il avait besoin de cogner, de provoquer des bastons. Sa violence rentrée pouvait effrayer, mais il savait se montrer adorable avec les filles.
Avez-vous délibérément occulté certains événements de sa vie ?
Oui, nous avons choisi de passer sous silence quelques histoires pas brillantes. Comme cette fois où il avait tué un chat en le jetant contre un mur… J’aime les animaux et je trouvais cela trop difficile à dessiner.
Personne ne s’est opposé à la publication de cette biographie ?
Une de ses copines nous a menacés d’un procès, alors qu’elle avait répondu aux questions de Jean. Finalement, nous l’avons remplacée dans l’album par Josette de Rechange, l’un des personnages de Charlie. Ses parents ont soutenu le projet, ce qui est plutôt courageux de leur part, étant donné que nous les montrons sous un jour pas très favorable… Schlingo est toujours resté une énigme pour eux.
Il se décrivait comme un « monarque de la lose, bonheur des soldeurs, roi des retours ». Vous l’avez publié chez Futuropolis en sachant que ses albums ne se vendraient pas ?
Oui. Il a tourné chez de nombreux éditeurs, chacun le soutenant à tour de rôle. Nous étions bien conscients que nous ne gagnerions pas d’argent avec lui, mais il fallait lui permettre de s’exprimer. Son monde n’était pas facile à pénétrer, mais j’aimais terriblement ses histoires de crétin à la Popeye, son humour décalé, complètement con. Quand Étienne Robial et moi lui avions proposé un « 30×40 » [une collection grand format mythique de Futuropolis], il n’y croyait pas. Il était tellement fier qu’il voulait s’appliquer.
D’où vient le titre de l’album, Je voudrais me suicider mais j’ai pas le temps ?
C’est ce qu’il répondait quand on lui demandait si ça allait…
Propos recueillis par Laurence Le Saux
Images © Dargaud
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Je voudrais me suicider mais j’ai pas le temps
Par Florence Cestac et Jean Teulé.
Dargaud, 18 €, le 23 janvier 2009.
Achetez Je voudrais me suicider mais j’ai pas le temps sur Amazon.fr
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A noter : Gaspation et Josette de Rechange seront réédités par L’Association le 7 mars 2009.
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Bravo et merci à Teulé et Cestac. Ce livre m’a bouleversé. Je suis un très grand fan de Schlingo, je le savait un peu désespéré mais pas à ce point là.
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Bravo et merci à Teulé et Cestac. Ce livre m’a bouleversé. Je suis un très grand fan de Schlingo, je le savait un peu désespéré mais pas à ce point là.
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Il était surtout très drôle, loufoque et plein d’esprit, malheureusement ce n’est pas ce qui ressort dans ce bouquin sur lui. Le pathétique l’emporte et c’est dommage…
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Il était surtout très drôle, loufoque et plein d’esprit, malheureusement ce n’est pas ce qui ressort dans ce bouquin sur lui. Le pathétique l’emporte et c’est dommage…
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J’ai bien l’honneur de répondre au créateur de Ogoun ? Bassiste éphémère des Mafaldas ?
Merci pour ces précisions, Du coup j’ai l’impression qu’il a vécu (trop brièvement) comme il avait envie. -
J’ai bien l’honneur de répondre au créateur de Ogoun ? Bassiste éphémère des Mafaldas ?
Merci pour ces précisions, Du coup j’ai l’impression qu’il a vécu (trop brièvement) comme il avait envie. -
Florence
Je n’ai trouvé que cette solution pour me rappeller à ton bon souvenir et te faire coucou.
En souvenir du Doult Vitran ,du Basket avec ton voisin De La Saugerie, de la rue de Normandie en un mot de Pont Au où je ne suis plus non plus .(Bordeaux)
Est ce que cela te fait revenir en arrière?
Bises
GUY -
Florence
Je n’ai trouvé que cette solution pour me rappeller à ton bon souvenir et te faire coucou.
En souvenir du Doult Vitran ,du Basket avec ton voisin De La Saugerie, de la rue de Normandie en un mot de Pont Au où je ne suis plus non plus .(Bordeaux)
Est ce que cela te fait revenir en arrière?
Bises
GUY -
Tiens ! un commentaire à disparute !
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Tiens ! un commentaire à disparute !
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