Forban
« Bruxelles, 1992, Banque Centrale. » Forban commence comme une bonne BD de gangsters. Noirs et blancs superbes de l’artiste suisse Alain Bardet. Dialogues ciselés. Découpages à vif. Regards caméra. Action. Action. Action. Les pneus crissent, les détonations retentissent, les balles brisent les vitres et broient les chaires. Pas de doute, on est dans un bon polar qui sent le vécu. Peu à peu, le récit s’affine, le lecteur commence à différencier les personnages (au début ils ont un peu tous la même coupe de cheveux), on découvre qui est François Troukens, figure majeure du grand banditisme belge dans les années 90. Rapidement les revers succèdent au succès: amertume, prison, brutalité. Le scénariste tente une incursion dans son enfance mais la dureté du système carcéral le rappelle à sa colère, à sa jeunesse aussi. Il s’évade et le récit s’envole pour des années de braquages et de cavales.
On n’a pas besoin d’aimer ce genre pour être captivés par le récit de Troukens et Bardet. C’est bien sûr la dimension autobiographique qui donne toute sa profondeur au récit. Si ce n’était pas une histoire vraie, elle serait caricaturale. Mais elle est vraie. Et c’est par la construction narrative que l’auteur nous en convainc : le scénario colle littéralement aux basques du forban, ne permettant la résolution finale qu’après que le drame a atteint son paroxysme, comme dans toute bonne tragédie. La conclusion est captivante et émouvante. Elle délivre un véritable discours sur le système carcéral et la vie en général.
« Si tu n’avances pas assez vite je te pète les genoux. » C’est avec cette petite pointe d’humour que Troukens aurait motivé son dessinateur. Il a de quoi être satisfait du résultat. Le style d’Alain Bardet sert très bien l’histoire. Pour les curieux, allez voir la courte vidéo Comment j’ai dessiné « Forban », la leçon de dessin de Bardet. Où l’on découvre qu’il utilise un seul outil pour dessiner et étaler ses aplats de noirs. Leçon de dessin et leçon de vie : le coup parfait.
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