Fréhel
Après une belle biographie de Margaret Sanger, c’est à une autre femme libre que s’intéressent les éditions Nada : la chanteuse Fréhel, figure de la Belle Époque et des Années folles. Chanteuse à la gouaille solaire, gamine des rues se vengeant de la vie en consommant alcools, « coco » et hommes à foison. Si son tube reste la célèbre Java bleue, ses chansons réalistes ont marqué grand nombre des figures de ce qui deviendra un genre à part : la chanson française. Des figures postérieures, mais aussi des contemporains comme Maurice Chevalier, Jean Cocteau ou Mistinguett. Des personnages que l’on croise dans cette épaisse biographie virevoltante, qui suit avec précision les multiples vies de la chanteuse.
C’est la première BD de Johann G. Louis, jeune dessinateur au parcours déjà bien chargé – il a été décorateur de cinéma (notamment avec l’improbable Jean Rollin), a réalisé plusieurs courts métrages et écrit deux romans. Pour cela, il s’est basé sur une solide documentation (biographies, films, mais aussi de nombreuses coupures de presse d’époque), tentant de relier les fils en romançant ce qui pourrait se trouver dans les trous. S’il semble parfois dépassé par son ambition – les presque 300 pages souffrent parfois de problèmes de rythme à avoir trop vouloir en dire –, on est impressionné par une construction qui, bien qu’assez classique, échappe à la simple succession d’anecdotes.
L’auteur, à l’aide d’un dessin très vif et de couleurs aquarellées donnant à l’ensemble un aspect très cohérent avec l’ambiance montmartroise, creuse particulièrement les failles de la chanteuse en dressant un touchant portrait. Celle d’une enfant qui se venge, d’une star dont le succès la dépasse et qui se noie dans les paradis artificiels, quitte à lâcher prise, tout en gardant un incroyable charisme. Une plongée que l’on ponctue de pauses musicales, notant au fil du récit des chansons moins connues permettant, après avoir découvert la femme, de redécouvrir l’artiste, dont l’image mythique masque des chansons superbes finalement aujourd’hui assez méconnues.
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