Dans une ville qui vibre en permanence au rythme de fêtes exubérantes, la jeune Lele, presque 12 ans, vit cloîtrée avec sa mère, une sorte d’ogresse obèse qui passe ses journées allongée, à boire. Quand elle n’écrit pas des poèmes avant-gardistes, Lele a l’autorisation de se rendre dans la forêt, chez Baba Yaga, pour récupérer la « potion » de sa monstrueuse maman. Mais cette dernière et la sorcière des bois semblent garder de lourds secrets et Lele n’en peut plus de n’être qu’un objet entre leurs mains. Tout s’accélère quand Baba Yaga lui donne un mystérieux bonbon et que sa maman lui offre un golem pour son anniversaire…

Voilà un album étrange, qui suscite un malaise de plus en plus oppressant, page après page. Lele suffoque, par son enfermement, par son aliénation même. Elle est sans cesse malade, connaît des nuits agitées, plonge dans des cauchemars éveillés. Et ses seules « distractions » sont ses discussions avec un chat et ses tête à tête avec une sorcière émaciée. Si elle semble prendre le chemin des contes, Mathilde Van Gheluwe (Pendant que le loup n’y est pas) s’en détourne régulièrement pour développer un univers tortueux et inquiétant, tour à tour hermétique et magique. On ne comprend pas tout dans cet enchaînement bizarre de séquences, aux multiples niveaux de lecture, mais les dernières pages, à l’issue d’un déchaînement de fureur inattendu, viendront éclairer l’ensemble. Sans néanmoins tout révéler. Deux autres volumes sont annoncés pour creuser l’univers malsain de cette Funky Town, qui n’a rien de si funky… Tant mieux, car c’est une oeuvre forte et inspirée, au dessin crayonné hypnotisant, qui ne demande qu’à se déployer plus largement pour livrer une partie de ses secrets. Même s’ils font mal.