Gilgamesh
Gilgamesh, exigeant roi d’Uruk en Mésopotamie, tyrannise ses sujets. Un conseil des dieux décide alors de créer un homme sauvage, le bien nommé Enkidu, pour remettre le tyran dans le droit chemin. Enkidu est une puissante créature, « rejeton du silence de la nuit », vivant parmi les animaux. Ensemble, le souverain violent et l’homme sauvage vont se mesurer à des forces supérieures : Humbaba et sa forêt de Cèdres, le Taureau céleste… Et se confronter à leur destin : l’honneur ou la mort.
Une nouvelle fois, l’auteur allemand Jens Harder (Alpha, Beta…), est pétri d’ambitions. Il reprend ici la légende de Gilgamesh, cinquième roi de la cité-Etat d’Uruk en Mésopotomie, qui aurait vécu vers 2600 avant J.C. Tyrannique, il est confronté à son alter ego en négatif, Enkidu, l’émissaire pur envoyé par les dieux, chargé de faire retrouver à Gilgamesh le chemin de la raison. Narré en voix off et quelques dialogues, le texte aux allures de poème épique reste fidèle au caractère ancien des formulations sans choquer, paraître guindé ou compassé. Mieux, il emprunte aux grands récits, de l’Odyssée d’Homère à la Bible, bien servi par la traduction très juste de Stéphanie Lux. Au-delà d’un travail littéraire sans faute, Jens Harder, toujours à la croisée du documentaire et de la poésie (oui, c’est possible!), réussit une prouesse graphique et visuelle. Il se fait sculpteur de bas-reliefs sumériens, gravant l’épopée sur douze chapitres, à l’image des douze tablettes d’argile en écriture cunéiforme retrouvées en fragments. L’iconographie ornementale ou sculptée s’inspirant ainsi des statues ou sceaux-cylindres de l’époque, mettant en scène des personnages vus exclusivement de face ou de profil sur des décors précis, pour un résultat puissant malgré l’économie de moyens. C’est l’atout mais aussi le défaut de la BD qui n’évite pas une légère monotonie, le visuel aux motifs répétés figeant l’expressivité du trait ou neutralisant les élans du texte. L’épopée héroïque tourne ainsi à la mélopée un peu molle. Mais reste finalement un album d’une étrange beauté, intelligent, qui interroge la toute-puissance, le sens de la mort, l’héroïsme ou le traditionnel hybris, des hommes et des dieux. Une fresque historique autant qu’un mythe fondateur à ne pas manquer.
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