Glenn Ganges, le flot des souvenirs
Glenn et Wendy forment un couple ordinaire. Glenn lit beaucoup, de la littérature scientifique et tout ouvrage capable de lui ouvrir les portes de la curiosité. La caféine l’excite et le maintient en éveil. Wendy, elle, est plantée devant son ordinateur, agacée par son éditeur, fatiguée du travail en attente. Puis vient le temps d’aller au lit. Les deux personnages discutent avant de dériver pour l’une, vers le sommeil, pour l’autre, vers les rêves.
Que se passe-t-il pendant le sommeil ? Qu’est-ce que la mémoire ? Que peut-on se rappeler ? L’auteur, Kevin Huizenga, aura mis vingt ans pour réaliser cet album en bichromie qui nous raconte une histoire du monde, au miroir de la conscience de Glenn. L’occasion de plonger dans ses rêves et souvenirs, ceux d’un quadragénaire qui fait un bilan de milieu de vie. Il se souvient et se promène dans les recoins de son cerveau. Il voit des paysages, des scènes de la vie ordinaire, se rappelle une expérience dans une entreprise de jeux vidéo, pense à l’origine de l’univers. Il compte en milliards d’années ou en secondes les minutes qui passent… C’est là le grand atout de cet album, sa façon de jouer avec les temporalités : tantôt lentes, tantôt accélérées, le monde de Glenn s’étire ou se contracte au rythme des sauts de conscience, des respirations du sommeil, entre l’infini et l’instant. L’auteur rend ainsi palpable un état de veille, une façon de rêvasser ou de méditer. Glenn est drôle car il se prend la tête, littéralement, sans doute un peu torturé aussi.
Mais le résultat, une exploration du temps qui passe, est doux, rêveur à souhait et teinté d’une belle poésie, donnant lieu à de belles trouvailles graphiques, jouant avec les espaces de la case ou les pages démultipliées. Seul bémol, peut-être, des passages didactiques ou scientifiques un peu longuets (addiction aux jeux vidéo, création de l’univers) qui plongent, certes, dans le flot des souvenirs, mais en sacrifiant un peu l’intérêt parfois.
Un bel album en tout cas, touchant même, pour les étourdis, les insomniaques et ceux qui veulent comprendre la nature des rêves.
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