Hippolyte
En plein désert d’Arizona, au fond d’un canyon reculé, un village s’est pourtant installé. Avec ses maisons de bric et de broc et sa poignée d’âmes, on pourrait croire à un cité fantôme. Non. Hippolyte, c’est son nom, est bien vivant et il n’est peuplé que de femmes. Qui se sont organisées pour survivre loin des hommes, comme une bande de hors-la-loi dévalisant des convois chargés d’or, et pactisant avec les notables corrompus de la ville voisine. Mais cette utopie du far-west peut-elle durer ?
C’est un western féministe et décalé que bâtit ici Clotilde Bruneau (Céphéide), où les rôles masculins se comptent sur les doigts d’une main amputée, et où les as de la gâchette portent parfois des robes. En dehors de ce postulat, les codes du genre sont plutôt respectés, avec des décors familiers et des oppositions de personnalités assez classiques – la brune ténébreuse cheffe de guerre, la rouquine délurée, la matriarche alcoolique, la jeune pie impatiente, l’ex-meneuse revenue de nulle part… Dès lors, on est assez vite happé par ce one-shot, d’autant que son graphisme est des plus soignés. En effet, Carole Chaland, qui a travaillé dans l’illustration ou le jeu vidéo et qui signe là sa première BD, développe un univers visuel charnel et solaire, qui réussit à insuffler un peu d’originalité dans un domaine bien balisé. Ainsi, ses visages sont piquants et expressifs, la raideur de certaines postures ressemble à un hommage aux vieux westerns de cinéma, son découpage efficace ne cède rien aux poncifs du genre. Et son usage de couleurs tranchées et de trames façon affiche ajoutent une touche de singularité appréciable. Le seul regret finalement, au sein de ce one-shot de plus de 100 pages, vient de l’intrigue elle-même, qui ne réussit jamais à vraiment décoller, et se contente de quelques secrets de famille pour s’alimenter. Insuffisant et frustrant, par rapport à un décor attrayant et à une idée de base prometteuse.
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