I Hate Fairyland #1
Quand on a le trait aussi rond, cartoon jusqu’à la quintessence, que Skottie Young, les éditeurs, c’est inévitable, vous demandent surtout de faire dans le mignon. Une adaptation du Magicien d’Oz : c’est pour lui. Du super-héros ? OK, mais alors en version baby, trop kawaï (voir toutes ses couvertures alternatives pour Marvel). On comprend qu’à la longue, ça ait fini par le démanger d’envoyer tout paître, de dessiner du trash, du bourrin, de l’irrévérencieux. Pour sa première série perso, à l’écriture et au crayon, il n’y a effectivement pas été de main morte.
I Hate Fairyland est le cauchemar de Walt Disney mis en images : le dézingage à la mitrailleuse de l’imaginaire tartiné de guimauve d’une certaine fiction pour enfants. L’agent du chaos se nomme Gertrude. En apparence, une innocente bambine de six ans, en réalité une trentenaire psychopathe, coincée contre sa volonté depuis 27 ans à Fairyland, le monde magique et merveilleux de la reine Cloudia. La règle veut que tout enfant appelé à pénétrer cet univers aux couleurs acidulées doive trouver une clé pour espérer rejoindre sa famille. Or Gertrude n’arrive pas à accomplir cette fichue quête et a perdu depuis longtemps patience. Désormais, cette Iznogoud en culotte courte et aux cheveux verts n’est que haine et violence.
Gore mais pour de rire, insolente mais pas non plus subversive, IHF n’est rien d’autre qu’une facétie de sale gosse, une pochade malicieuse mais qui ne se moque pas non plus de ses lecteurs. Young n’a pas griffonné les aventures de Gertrude sur un coin de table. La réalisation est haut de gamme, avec une mise en couleurs de toute beauté (par le fidèle complice Jean-François Beaulieu), du rythme et beaucoup de variété dans les décors et le bestiaire des créatures rencontrées. Fairyland est un monde chatoyant très cohérent qui n’est pas sans rappeler le pays de Ooo dans Adventure Time. Young a en outre soigné les dialogues, plein de mauvais esprit (les obscénités, proscrites à Fairyland sont remplacées par des expressions inoffensives genre « Arrête tes confiseries »). À voir si le jeu de massacre et la hache de Gertrude ne s’émousseront pas sur la durée (tome 2 prévu pour septembre), mais le tome 1 fait en tout cas office de défouloir ultra-recommandable.
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