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Inside Angoulême 2010, épisode 2

30 janvier 2010 |

Le hasard a voulu que la plupart de mes interviews au cours de ce Festival d’Angoulême aient un regard tourné vers le passé. Et précisément vers la fin des années 80, et l’explosion du bloc soviétique. Étrange, et en même temps, la proximité de l’anniversaire de la chute du Mur de Berlin a sans doute fait remonter des souvenirs. Mais tout ceci est-il vraiment un hasard ?

C’est Nathalie Ferlut, auteure de Lettres d’Agathe et du récent Elisa (dont on reparle très vite), qui m’a la première emmené 20 ans en arrière. Son album évoque cette période de bouleversement, d’espoir et de rock’n’roll. Et les images vues à la télé, en boucle, de ces jeunes Berlinois traversant désormais librement la frontière. danse1Jens Harder, auteur du monumental Alpha, faisait partie de ces Allemands élevés à l’Est. Sur le chemin du Musée de la BD, il me confie qu’il n’a pas forcément souffert de cette séparation en deux du pays. « Il n’y a pas si longtemps, je suis retombé sur le film La Boum à la télé. Je me souviens l’avoir vu étant ado, mais à l’époque je n’avais pas fait attention à ce qu’il montrait de la vie à l’Ouest. Je n’y avais vu que ce qui m’intéressait à ce moment-là, et qui intéressait tous les jeunes de mon âge: faire la fête, partir en vacances, draguer les filles… Mais en le revoyant, j’ai été scotché de voir ces jeunes Français prendre l’avion le plus naturellement du monde, chose absolument impensable en Allemagne de l’Est. On avait appris à se débrouiller avec ce qu’on avait. Je ne me rendais pas compte de la pauvreté dans laquelle nous vivions. »

Autre retour dans le passé, avec le débonnaire Alan Martin, co-créateur avec Jamie Hewlett du personnage de Tank Girl. Une punkette à gros flingues, nourrie à la bière et à la rébellion, symbole d’une génération prête à tout envoyer bouler. Mais qu’en est-il aujourd’hui ? Y a-t-il encore de la place pour la révolte dans nos sociétés globalisées et aseptisées ? « Je ne sais, je ne suis pas sûr. Au jour le jour, on est obligé de jongler avec les restrictions imposées par les gouvernements. Cela génère sans doute plus de frustration qu’à mon époque, car tout est plus compliqué aujourd’hui. » Résultat (?), son héroïne s’est assagie, elle est plus réfléchie. Comme lui, père de famille avec des obligations…

Alors, bon, le Mur est tombé, la magie capitaliste a rattrapé l’Europe orientale et puis quoi ? « Le monde d’aujourd’hui offre plein de progrès, notamment grâce aux outils de communication, constate Nathalie Ferlut. Mais dans le même temps, l’avenir réserve à la nouvelle génération des choses vraiment pas chouettes. Dans ce sens, je pense qu’elle peut s’inquiéter encore plus pour le futur que la nôtre. » Cool.

Néanmoins, pour conclure sur une note positive et optimiste, il faut voir les travaux des enfants dans le cadre du concours de BD scolaire, pleins de couleurs et d’énergie, mais pas naïves pour un sou. Et il fallait voir les sourires et la motivation des tribus d’étudiants en art rassemblées autour de l’open bar de la soirée des 10 ans du Pavillon Jeunes Talents, vendredi soir. Une soirée dans laquelle se sont croisés les auteurs de BD qui compteront demain, et dans laquelle je me suis retrouvé par hasard. Finalement, le hasard fait parfois bien les choses…

PS: la photo n’a rien à voir avec l’article, il s’agit d’une création dansée autour du personnage de Lucky Luke, avec des dessins de Ruppert et Mulot sur la cage de verre; une performance présentée lors du vernissage de l’exposition Cent pour Cent au Musée de la BD.

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