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4 Comments

Izneo, une offre de BD numérique innovante et commercialement agressive

30 mars 2010 |

Ça y est, le portail de bandes dessinées numériques Izneo s’est ouvert, et avec lui son premier lot d’interrogations et de critiques. À première vue, que faut-il en retenir ?

izneo_offreD’abord, des faits. Izneo propose aujourd’hui l’offre payante la plus large en matière d’albums numérisés complets. Plus de 600 titres sont ainsi disponibles, tirés du catalogue d’une douzaine d’éditeurs, parmi lesquels des poids lourds du marché tels Dargaud, Dupuis, Casterman ou Fluide Glacial. Et une centaine de nouveaux titres devraient arriver chaque mois. Par comparaison, Digibidi propose aujourd’hui un peu plus de 170 albums complets à lire en ligne, et Ave!Comics guère plus.

Quant au mode de lecture, Izneo a opté pour une lecture en ligne, en streaming, sur écran d’ordinateur. Le player est tout simple : il permet de voir la page ou la double-page dans sa totalité, puis de zoomer sur celle-ci, et de descendre et monter pour lire confortablement le texte. C’est efficace, de bonne qualité et le chargement est rapide – en tout cas pour les previews des premières pages. En revanche, la lecture sur mobiles n’est pas, pour le moment, du ressort d’Izneo. izneo_reader S’il on trouve sur quelques fiches albums des liens vers l’AppStore, ceux-ci renvoient vers l’application développée par BDTouch (et qui arrive ces jours-ci dans une nouvelle version), pour lecture sur iPhone ou iPod.

Outre la taille du catalogue, la principale innovation d’Izneo est donc la politique tarifaire. Très agressive, elle distance largement ses concurrents en proposant un système de location à durée limitée et à prix défiant toute concurrence. La plupart des albums sont ainsi disponibles à 1,99 € pour dix jours de lecture. Certains titres, toutefois, sont plus chers, comme Adèle Blanc-Sec (tomes 1 et 9) ou Les Bidochon #19 (4,99 €). D’autres encore sont gratuits, comme La Main du singe #1 (sans doute pour donner envie d’acheter/de louer le tome 2 après).

Plusieurs questions naissent face à cette grille de prix. Est-ce un prix de lancement, pour attirer du monde, et amené à grimper par la suite ? C’est fort possible. Y aura-t-il des formules d’abonnements dans l’avenir ? Très certainement, comme l’indiquent les conditions générales de vente : un abonnement qui serait restrictif, car on ne pourrait lire l’album que cinq fois maximum et depuis trois IP (connexions) différentes.

Mais surtout, la grosse interrogation est : comment les versions papier, notamment des nouveautés, vont-elles pouvoir lutter contre une si coriace concurrence ? C’est bien là le coeur du problème, soulevé indirectement par les auteurs par leur Appel du numérique. À moins qu’Izneo ne se contente de refourguer des albums anciens (ou parus quelques mois avant), mais en ce cas, on ne voit pas très bien ce qui attirerait le public vers une offre ainsi réchauffée. izneo_location N’empêche, il est à noter qu’on ne trouve que très peu de titres de mars 2010 pour l’instant dans le catalogue Izneo.

Admettons néanmoins que les nouveautés fassent leur entrée rapidement dans le système et paraissent en même temps que les versions papier. Izneo se baserait alors sur le principe que la bande dessinée au format numérique est un contenu jetable – qu’on lit une ou deux fois pendant une courte période, avant de passer à autre chose. Alors, même si le site propose des liens pour acheter l’album papier sur la Fnac ou Amazon, peut-on sérieusement penser que la location numérique low-cost ramènera vers l’achat physique ? Sans doute marginalement : un lecteur est tenté par un classique comme Aldébaran, il loue le premier, est épaté, et file acheter la collection en cartonné. Mouais, admettons, mais pour le reste ? Et surtout pour les nouveautés ? Car il sera franchement tentant de lire la version numérique bon marché du premier tome d’une nouvelle série, aperçu en librairie mais pas acheté, pour savoir de quoi il retourne sans prendre de gros risque. Et là, c’est une vente physique de perdu, et un différentiel d’une dizaine d’euros. On entrevoit donc le pari, risqué, des éditeurs : ramener un nouveau public (plus technophile? plus radin?) vers la bande dessinée, compter sur le volume pour générer un chiffre d’affaires suffisant pour rémunérer convenablement tout le monde et miser sur l’attrait indéfectible des vrais fans de BD pour le papier, qui continueront à remplir leurs bibliothèques de beaux et onéreux albums.

En conclusion, Izneo, par son offre commerciale (large et bon marché), apparaît comme une initiative innovante, qui devrait faire bouger les choses en matière de bandes dessinées sur support numérique. Mais elle pose des questions primordiales et plus globales sur l’industrie de la BD, notamment sur la manière de rémunérer correctement chacun des acteurs du marché, principalement les créateurs. Et elle soulève une dernière crainte : dans le marché naissant de la BD sur écran, les opérateurs se multiplient et entrent dans une concurrence féroce. Il est à parier que certains, trop faibles par rapport à la grosse machine fédératrice telle que se présente Izneo, vont s’y casser les dents.

2010 sera-t-elle l’année de la bataille de la BD numérique ?

Commentaires

  1. Francois Pincemi

    4,99 pour un Bidochon ou un Adele Blanc Sec, c’est à peu prés la moitié du prix de l’album neuf!! Qui va payer ce montant pour avoir un fichier lisible 10 jours sur son ordinateur informatique? C’est ridicule, chez un bouquiniste ou chez les libraires d’occasion, les albums en trés bon état se vendent entre 3 et 6 euros!
    Dans le cas d’Adele BlancSec et des Bidochon, il s’agit d’albums totalement populaires qu’on les trouve dans toutes les bonnes médiathèques et bibliothèques municipales. la sortie du film de besson avec la Bourgoin ne doit pas tout justifier; il me semble que les Adele de Tardi ont été repris dans une petite collection noir et blanc (10 francs, puis deux euros)

    Si je paye, c’est pour acheter un livre que je vais pouvoir lire et relire quand je veux. Et le ranger dans une de mes bibliothèques, pour le ressortir 5 ou 10 ans (il faut évidemment bien choisir ses achats). Si c’est pour lire une fois une BD, je prefere encore la prendre à la bibliothèque ou l’echanger à un ami collectionneur.
    Et là, c’est gratuit, car on ne paie pas pour la lecture, mais pour la propriété permanente du livre.
    Maintenant, le jour où un éditeur astucieux (si cela existe) ou un fournisseur d’accès, voire un fabricant de bidules technos portables (Apple, Samsung, Nokia, Sony) proposera des histoires inédites passionnantes sur ce médium, en exploitant à fond les possibilités technologiques (bande-son, rythme, plusieurs possibilités, etc), on en reparlera! Cordialement

  2. Francois Pincemi

    4,99 pour un Bidochon ou un Adele Blanc Sec, c’est à peu prés la moitié du prix de l’album neuf!! Qui va payer ce montant pour avoir un fichier lisible 10 jours sur son ordinateur informatique? C’est ridicule, chez un bouquiniste ou chez les libraires d’occasion, les albums en trés bon état se vendent entre 3 et 6 euros!
    Dans le cas d’Adele BlancSec et des Bidochon, il s’agit d’albums totalement populaires qu’on les trouve dans toutes les bonnes médiathèques et bibliothèques municipales. la sortie du film de besson avec la Bourgoin ne doit pas tout justifier; il me semble que les Adele de Tardi ont été repris dans une petite collection noir et blanc (10 francs, puis deux euros)

    Si je paye, c’est pour acheter un livre que je vais pouvoir lire et relire quand je veux. Et le ranger dans une de mes bibliothèques, pour le ressortir 5 ou 10 ans (il faut évidemment bien choisir ses achats). Si c’est pour lire une fois une BD, je prefere encore la prendre à la bibliothèque ou l’echanger à un ami collectionneur.
    Et là, c’est gratuit, car on ne paie pas pour la lecture, mais pour la propriété permanente du livre.
    Maintenant, le jour où un éditeur astucieux (si cela existe) ou un fournisseur d’accès, voire un fabricant de bidules technos portables (Apple, Samsung, Nokia, Sony) proposera des histoires inédites passionnantes sur ce médium, en exploitant à fond les possibilités technologiques (bande-son, rythme, plusieurs possibilités, etc), on en reparlera! Cordialement

  3. Innovante NON, commercialement agressive pour les lecteurs et les auteurs OUI.

  4. Innovante NON, commercialement agressive pour les lecteurs et les auteurs OUI.

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