Le monde est en ruines, quasi déserté de ses humains, fauchés par une sale épidémie. Survivant à la barbe hirsute et au regard un peu fou – mais peut-il en être autrement quand on est, peut-être, le dernier homme sur Terre –, Karl marche, sac au dos et carabine en main. Mais qui était-il dans le monde d’avant? Pas forcément un type bien…

Winshluss (Pinocchio, In God we trust, Dans la forêt sombre et mystérieuse…) est un auteur aussi rare que puissant. Qui ne cède jamais à la facilité et ne recule devant aucune opportunité de provoquer. C’est encore le cas avec ce gros one-shot à la couverture coup de poing : si le livre démarre comme un récit survivaliste et post-apocalyptique, le contexte est vite relégué au second plan pour s’intéresser à la figure de Karl, anti-héros par excellence, voire sacré pourriture. Et c’est en cela que Winshluss frappe fort : il fouille aux racines du Mal, ne cherche pas à expliquer ni à justifier les actes de son sociopathe, mais à le montrer dans toutes ses dimensions, surtout les plus sombres. Ça hurle, ça remue les tripes, ça brûle les chairs, et l’expérience de bande dessinée est comme une déflagration, un gros coup de pied dans l’estomac. En alternant l’encre, le lavis, le crayon brun, et même l’aquarelle, l’auteur compose des séquences étonnantes, toujours sur un fil et toujours portées par une narration d’une maniaque efficacité – pas un dessin ni une ligne de dialogue en trop – et un trait d’une expressivité impressionnante. Il dépasse ainsi les écueils d’une histoire qu’on pourrait penser téléphonée, en lâchant les chevaux du médium BD pour créer le malaise et l’émotion. S’il continue à être aussi puissant, alors on pardonnera à Winshluss d’être aussi rare.