En 2010, le Petit Spirou aura 20 ans. Mais Janry ne s’en était même pas aperçu, tant il s’amuse à croquer les bêtises du garnement. Même s’il n’aime pas répondre aux interviews – il estime que les auteurs de BD ne savent pas bien vendre leur univers, eux qui ont choisi de se réfugier dans un atelier pour raconter leurs histoires -, il a pris le temps de nous expliquer l’évolution de son jeune héros, la présence du troisième âge dans ses albums, et l’absence de petite culotte sur sa dernière couverture.

Le Petit Spirou s’assagit-il ?
Pas vraiment… mais les temps changent ! À l’époque où Tome et moi avons créé le Petit Spirou pour le journal Spirou, il était préférable d’éviter certains sujets « sensibles » comme le sexe ou la religion. La BD avait alors une guerre de retard par rapport aux autres médias, et on peut dire que notre Petit Spirou a ouvert une voie… où il fut souvent qualifié de « garnement plutôt porté sur la chose ». Seulement, nous attendons plus du Petit Spirou. Notamment plus de nuances. Il s’intéresse à tout, est curieux de tout. Et comme tout gamin de son âge, il ne comprend pas les tabous qui minent notre société, et les remet en question à sa façon. C’est ainsi que nous abordons de nouveaux thèmes de société dans notre dernier album, comme le racisme et les différences sociales.

Parmi ces nouveaux thèmes que vous abordez, il y a le troisième âge…
Oui et plus exactement le comportement embarrassé de nos contemporains face à la vieillesse. Choisir de planquer les vieux dans des maisons de retraite plutôt que de vivre avec…Ça c’est un sujet qui dérange ! Un vrai tabou. Dans l’album, le Petit Spirou va voir sa grand-mamy. Là où tout le monde se déplacerait par devoir et pour se donner bonne conscience, heureusement qu’il reste les enfants !

Comment traiter avec humour de la vieillesse ou de la maladie ?
Avec dignité… un exercice délicat…

Le succès de la série induit-il une certaine pression ?
Bien sûr, qu’il y a de la pression ! Mais dans notre cas elle est positive, et comme nous sommes plutôt perfectionnistes, elle nous pousse toujours vers le meilleur… enfin, on l’espère ! Quant à notre éditeur, c’est vrai qu’au début il n’était pas toujours très « chaud », mais avec le temps, il a appris à nous connaître et il nous fait confiance.

Sur les pages de garde de l’album, on peut voir le Petit Spirou en 3D. Est-ce le signe d’une adaptation télé prochaine ?
Dans les nouvelle pages de garde de l’album, chaque personnage se rêve différent. Donc, le Petit Spirou en 3D, c’est un symbole. C’est aussi la tendance actuelle. Nous avons reçu beaucoup de propositions et de projets pour la réalisation d’une version animée du Petit Spirou. L’idée ne nous déplaît pas, même si nous sommes conscients qu’un mauvais dessin animé nuirait à la série ! L’avenir nous apportera peut-être la solution… Une idée originale et unique…

Que préparez-vous pour le 20^e anniversaire de notre jeune héros ?
Déjà 20 ans ? On ne les voit pas grandir… Il nous reste encore un an pour y penser. Avec Tome, on va sans doute boire un bon coup, et pourquoi pas abonner enfin le Petit à Froufrou magazine ?

Comment se passe votre collaboration avec Tome ?
Elle a mûri, mais elle est toujours aussi intense qu’à nos débuts ! On discute, chacun se bat pour ses idées, on s’emporte aussi… preuve que nous sommes toujours aussi motivés !

Vos gags sont signés Tome, Janry et Dan. Qui est ce dernier ?
Notre collaborateur, et depuis tellement longtemps que je ne sais même plus quand il a commencé. Il m’aide au dessin et apporte ses idées neuves de trentenaire et de jeune père au scénario, ce qui nous permet de varier nos points de vue et de sans cesse nous remettre en question. Un pote, quoi.

Publierez-vous un jour le Spirou à Cuba qui devait suivre Machine qui rêve et dont on a pu voir quelques planches à l’exposition Tome et Janry à Bruxelles ?
Peut-être mais plus le temps passe… loin des yeux, loin du cœur.

Yoann et Fabien Vehlmann prennent les rennes du grand Spirou, que vous avez dessiné pendant 17 ans…
Oui… c’est vrai que la collection parallèle des « Spirou vu par X&Y », c’est très bien, mais les hommages, ça sent quand même le sapin ! Il devenait urgent de reconduire la série-mère, sous peine de la voir rejoindre les Pieds Nickelés dans les catacombes de la BD… Et le retour de Tome et Janry ou la résurrection de Franquin n’y aurait rien changé ! Et puis, aussi c’est dur de voir son enfant à la dérive pendant 8 ans… Alors eux, ce sont des bons… J’espère qu’ils mettront le paquet et qu’on leur offrira plus de temps qu’à leurs prédécesseurs pour s’approprier la série. Moi, je ne me suis senti le pilote de la série qu’au 5e album. Même Franquin s’en était aperçu. Il avait montré l’album à Batem, qui travaillait avec lui à ce moment-là sur le Marsupilami, en lui disant : « là, ils le tiennent ! ». Alors, patience…

Propos recueillis par Allison Reber

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Le Petit Spirou #14 de Janry et Tome. Dupuis, 9,45 €, le 23 janvier 2009.

images © Dupuis

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