Jimjilbang
Un jeune adulte se retrouve un peu par hasard en Corée. Là-bas, il découvre un monde illisible qu’il abhorre. Confronté à la perte de soi dans un monde sens dessus dessous, il expérimente la solitude, la peur, la haine, expressions d’un mal-être tourné en rejet de l’inconnu. Choc des cultures, ce monde bizarre – les saunas, la nourriture, les gens – est un non-sens. Tout est trop ou pas assez. Victime d’hallucinations car égaré aux frontières d’un monde hostile et étrange, il va pourtant vite devoir s’adapter pour ne pas sombrer dans la folie…
Dans Jimjilbang, première BD de Jérôme Dubois, tout interpelle. Le titre, imprononçable au début, les premières séquences, d’un onirisme étrange. De ce voyage cotonneux d’où sourd un trouble profond, on saura peu de choses. Pareil du personnage, ectoplasme à la tête oblongue. Quête initiatique ? Cauchemar éveillé ? Rite de passage ? Par une série d’artifices, l’auteur installe le lecteur dans la peau de l’expatrié déprimé, aliéné ou fatigué : visages informes, calligraphie obscure, inquiétant et écrasant gigantisme de l’urbanisme géométrique, renforcé par la profonde noirceur des trames. Les dialogues tailladent le réel quand les mots du personnage, d’une ambivalence paranoïaque, cristallisent le rejet fasciné. Le sens, suspendu à une Corée qui sert de filtre, vient alors du titre des chapitres, énigmatiques.
Jimjilbang sème du coup un intrigant petit malaise, et nous absorbe vite dans son mystère vertigineux souligné par le peu d’indices, la folie latente, l’ambiance menaçante. Comme si Kafka avait écrit le script de Lost in Translation… Et quand le mal-être se dissipe ou la beauté se révèle, il faut fuir. Ironie d’un voyage dissonant jusqu’au bout. Belle réussite, cette curieuse autobiographie fantasmée, où l’auteur exorcise une expérience malheureuse, brille par ses partis-pris déroutants. Et installe Jérôme Dubois comme un auteur à suivre de près.
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